MDR
Contente que ça vous plaise autant ^^ !! et c' est vrai que FF 8 est jeu que j' ai vraiment adoré , le 1er de la série auquel j' ai joué ...
Bon, en ce qui concerne la femme de Zell, c' était la bibliothécaire, mais vu que dans le jeu on en parlait pas beaucoup et que de tte façon au moment où le personnage parle , elle est morte, je me suis dit que c' était pas vraiment la peine de s' étendre là-dessus ... Tout le monde peut s' imaginer ce que ça fait de perdre quelqu' un, et je ne crois pas que j' aurais réussi à transmettre tout ça avec des mots. Et puis, Zell est aussi un de mes personnages préférés (
désolée d' avoir fait mourir ta femme, vieux ... lol), et je ne voulais pas qu' il change... Mais de toute façon, il a plus de force et de sérieux en lui qu' on ne le pense, et s' il le fauy, on peut vraiment lui faire confiance... voilà voilà ! ^^
Et pour la réaction de Squall, il faut pas oublier que sa fille est dans la pièce, et quoi qu' il y ait avec elle, il ne veut pas risquer de faire du mal à Eva... Et puis bon, la panique , et tout ça ...
edit : je viens de m' apercevoir d' une HORREUR : j' ai mis le chapitre 5 sans avoir mis le 4 !! Je passe du trois au 5 , et personne ne me le dit !!
Donc, je vais le mettre ici , vive la commande EDITER !!
désolée tout le monde ...
CHAPITRE IV
Sur le chemin du retour, mes parents et moi nous nous sommes mis d'accord pour décider de ne parler de cet incident à personne. D'une part parce que ça ne les regarde pas, et d'autre parce que ça ne ferait que créer des problèmes inutilement en soulevant une nouvelle fois de l'agitation autour de notre famille. Et Dieu sait qu'elle s'est suffisamment illustrée en matière de bizarrerie et autres trucs surnaturels. De toute façon, d'ici quelques jours, tous les élèves de mon année auront leur G-Force, et nous serons à nouveau tous au même niveau.
A peine arrivée, à la BGU, tout le monde me demande les résultats, histoire de savoir si je suis mourante, et si ma chambre sera bientôt libre, je suppose. Comme je ne m'arrête même pas pour répondre, ça chuchote dans tous les coins et ça me regarde comme une bête curieuse, mais c'est le cadet de mes soucis. Je dois faire face à un problème autrement plus important : j'ai faim.
Je me dirige vers la cafétéria, ignorant royalement les cris désespérés de Méryl qui m'appelle depuis dix minutes de l'autre bout du couloir, en faisant de grands gestes de la main. Ça attendra.
J'accélère le pas et j'arrive à la semer tout à fait. Une chance, il n'y a pas grand monde dans la cafétéria. Je demande un gâteau au chocolat et je vais m'installer dans un coin à l'écart, derrière une grande plante verte, pour profiter d'un instant de paix et de solitude pour repenser tranquillement à tout ce qui s'est passé aujourd'hui.
Instant de paix et de solitude qui ne dure pas très longtemps. Méryl déboule dans la cafétéria, toute essoufflée et rouge comme une tomate d'avoir trop couru. Je me tasse sur ma chaise, en priant pour qu'elle ne me voie pas, mais cette fille doit avoir un sixième sens ou un radar interne, je sais pas : à peine entrée elle se dirige directement vers ma table. Pas moyen d'être en paix quinze secondes...
- Eva, ça fait une heure que je t'appelle ! T'aurais pu m'attendre ! fulmine-t-elle.
- Ah ? Désolée, je t'avais pas entendue.
C'est un mensonge éhonté. Je ne vois pas comment on pourrait de pas l'entendre alors que ses beuglements ont dû résonner dans toute la fac, mais elle le gobe allègrement. Elle s'assied sans que je le lui aie proposé et entre immédiatement dans le vif du sujet.
En fait, elle voulait juste me parler du bal qui aura lieu samedi parce que c'est elle qui l'organise, avec quelques autres idiotes de dernière année, mais elle manque de bras ; elle veut savoir si ça m'intéresse.
Tu peux toujours courir, ma fille. Je le lui dis évidemment un peu plus gentiment pour commencer.
- Mais en tant que fille du directeur, tu te dois de participer ! Fait-elle d'un ton indigné.
- Je te demande pardon?
- C'est à toi de donner le bon exemple en t'impliquant dans cet évènement majeur de la vie de la BGU.
- Le bal ?? Je demande, pas certaine d'avoir bien compris.
- La plupart des filles du comité d'organisation ont laissé tomber, et personne ne veut les remplacer, dit-elle en gonflant les joues d'irritation.
- Et tu t'es pas dit que c'était peut-être pour une bonne raison ?
- Mais il faut bien que quelqu'un s'occupe de l'organisation ! Tu veux pas en dire un mot à ton père pour qu'il les oblige à continuer ?
- T'as raison, il n'a rien de mieux à faire que de s'occuper de l'organisation du bal en ce moment...
- Alors c'est gentil, ça me retire vraiment une épine du pied...
- Euh c'était de l'ironie...
- De quoi?
- Laisse tomber. Je lui demanderai rien du tout. Vas-y toi-même si t'y tiens tant.
Je ne suis pas assez bête pour aller demander à mon père une chose pareille. Et surtout, j'en ai rien à faire.
- Bon, en tout cas, je te remercie de ta participation, maintenant les autres devraient voir...
- Quoi ? Mais je t'ai dit que c'était hors de question !
- Mais...
- Je. Ne. Participerai. Jamais. A. Ton. Fichu. Bal. C'est plus clair?
- Tu es bien comme les autres, siffle-t-elle d'un ton venimeux. Tu laisses les autres tout organiser, mais après ça ne te dérange pas de venir profiter du travail des autres.
- Ah, je te demande pardon, je n'y ai jamais mis les pieds à ton bal.
Méryl blêmit.
- Je... Je ne te crois, articule-t-elle d'une voix blanche, comme si j'avais proféré le blasphème du siècle.
- Demande à qui tu veux, personne ne pourra te dire m'y avoir jamais vu, à tes bals.
C'est la stricte vérité. Aller gigoter devant tout le monde sur une piste de danse… Alors que la soirée du bal est le moment rêvé si on veut être un peu tranquille dans la serre de combat pour pouvoir s'entraîner sans être embêté - ce qui n'arrive pas si souvent.
- Mes bals toujours si réussis, gémit-elle en s'affaissant sur sa chaise.
- Ils sont plus nazes d'année en année, je lui assène en mordant tranquillement dans mon gâteau.
J'y suis peu-être allée un peu fort, mais c'est le seul moyen de la faire lâcher prise. Et, à ma décharge, ce n'est pas tellement faux. Depuis que Selphie, organisatrice officielle du grand bal de fin d'année, a quitté la BGU pour prendre la tête de la fac de Trabia, Méryl, fan inconditionnelle, s'est auto proclamée son successeur à la tête du comité d'organisation – faisant peu à peu fuir le reste dudit comité. Et depuis ce moment-là, les bals sont invariablement le cadre des plus grands désastres qu'on puisse accumuler en une seule soirée de festivité. Bref, le seul intérêt de ces bals réside en son compte rendu du lendemain constitué du condensé des catastrophes de la soirée, et il y a longtemps que je n'y mets plus les pieds.
Se parant de sa dignité en lambeaux, Méryl se lève et s'en va d'une démarche un peu raide à la recherche d'autres victimes. Quand elle n'est pas en pleine crise d'hystérie, c'est une vraie sangsue, celle-là.
J'ai expliqué moi-même à Ivackas le fin mot de toute l'histoire ; je lui ai parlé de Sheba et tout, et il n'en revenait pas. Mais il est rassuré, du coup, et content de connaître enfin la vérité. Il me jette même un triomphal : «Tu vois, j'avais raison de t'envoyer voir le professeur Geyser ! ». Impossible de lui faire comprendre que le professeur n'y est pour rien et qu'au contraire il a failli aggraver les choses à cause de son stupide examen qui ne devait pas avoir lieu en présence de G-Force. On passe une heure à se battre à ce sujet, et je finis par abandonner.
Au bout de quelques jours, on m'autorise enfin à retourner en cours. Les gens ont à peu près oublié toute cette histoire et ils me laissent tranquilles. Mais j'ai un sacré retard à rattraper, notamment sur mon entraînement physique, et il faut que je mette les bouchées doubles si je veux être en forme. D'autant plus qu'il y a autre chose que je veux faire : m'entraîner avec Sheba. D'ici quelques jours, lorsque les élèves de ma promotion auront également leur G-Force, ce sera la croix et la bannière pour réserver une serre, et il est hors de question que je me retrouve coincée pour m'entrainer même si mes parents me l'ont défendu avant que le reste de ma classe n'ait commencé. Les débuts sont laborieux : je n'ai jamais invoqué de G-Force, je ne peux pas demander de conseil sans attirer de soupçons.
- Et à Zell ? suggère Bess, un soir qu'elle, Casey et moi nous nous retrouvons dans la serre de combat après le couvre-feu. Je suis sûre que si on lui demande il acceptera de garder le secret.
J'ai naturellement mis au courant mes amis des derniers évènements, et si tous les deux sont ravis pour moi et ont décidé de m'aider dans mon entrainement, nous n'avons pu que constater notre ignorance mutuelle concernant les invocations. Puisque nous sommes censés apprendre à en faire avec l'aide de Quistis au moment d'obtenir notre G-Force d'ici quelques jours et que nous n'avions pas de raison de nous renseigner plus tôt que ça, nous n'avons jamais réellement observé les Seeds faire appel à leur G-Force lors des rares missions que l'on a bien voulu nous confier... Bref, ça fait un quart d'heure que nous sommes assis sur le sol pierreux de la serre n°3 à réfléchir.
- Il est reparti ce matin, nous apprend Casey, assis en tailleur face à nous. Et je ne suis pas persuadé qu'il accepterait s'il sait que ton père t'a formellement interdit de t'entrainer.
- Je ne pense pas non plus, j'admets avec un soupir frustré. Mais alors à qui demander conseil ? La plupart des Seeds sont hors de la BGU, et de toute façon, eux, ils cafteront à tous les coups.
- Si on exclut les professeurs et le Seeds, je vois pas qui il reste, fait remarquer Bess.
- Y'aurait bien quelqu'un mais ça risque de ne pas te plaire, me fait Casey.
- Il faut vraiment que je m'entraine, alors je vais pas faire la difficile...
Casey relève lentement la tête et m'observe un moment, un sourcil levé, et un demi sourire au visage.
- Alors ? Je demande, intriguée. A qui tu penses ?
- A Almasy.
- Quoi ? Fait Bess en ouvrant des yeux gros comme des soucoupes.
- Il a un G-Force. Je suis passé un jour qu'il s'entrainait, je l'ai vu.
- Tu rigoles ? Je demande, incrédule. C'est pas possible...
- T'en as bien un, toi, fait Casey en haussant les épaules.
- Oui, mais c'est pas pareil... je rétorque bêtement.
Pour ce qu'on en sait, il pourrait très bien en avoir un, en effet. Mais est-ce que mon père aurait pu exceptionnellement autoriser un élève à avoir un G-Force, avant même qu'il n'ait passé l'examen Seed? Aussi jeune? Pourquoi un tel traitement de faveur?
- De toute façon, plutôt me faire couper en petits morceaux que de lui demander, je jure farouchement, reniant sans vergogne mes propos précédents.
Comme toutes les manifestations de Sheba ont jusqu'ici été plutôt discrètes – hormis la fois où elle a dévasté une salle d'examens médicaux en apparaissant de son propre chef - je n'ai pas la moindre idée de ce qui décide son intervention. Simplement l'appeler, même en étant très polie, ne déclenche manifestement pas l'invocation, j'ai essayé. Je n'ai remarqué aucun geste, aucun ton, aucune position qui y soit davantage propice. Les invocations spontanées n'ayant pas l'air de fonctionner, Casey, Bess et moi décidons donc de me mettre en situation de danger. Soit que ce ne soit pas la solution, soit que Sheba ne considère pas l'attaque de mes meilleurs amis comme potentiellement dangereuse, mon G-Force ne daigne pas pointer le bout de son nez. Je lache donc les Elmidéas dans la serre, puis les Bogomiles, toujours sans résultats. En désespoir de cause, je finis par libérer un T-Rex, puis un deuxième. Ce n'est qu'alors que je suis sur le point de me faire couper en deux par une des bestioles que mon G-Force semble estimer que la situation pourrait être critique et que ce serait p'tete pas si mal s'il voulait bien intervenir. Autre chose : une fois que le G-Force est là... c'est bien gentil, mais qu'est-ce qu'on lui demande de faire, quand on ne sait pas de quoi il est capable ? Le mieux que j'aie trouvé est de laisser Sheba faire comme bon lui semble. Mais je ne suis pas certaine que ce soit censé fonctionner comme ça, et lorsque je vois Sheba hésiter, tourner en rond pour lancer ses attaques presque au hasard, je me rends compte que mon indécision l'affecte.
Bilan : deux vitres cassées, un mur légèrement fendu, des monstres sérieusement amochés qui sont retournés dans leur cage sans demander leur reste… Tout ça sera évidemment à cacher au plus vite. Au fil des soirées d'entrainement clandestin, Sheba finit par m'écouter parfaitement, et je parviens à comprendre sa façon de fonctionner. Mes cernes ne passent pas inaperçues auprès de mon entourage, mais comme personne ne peut prouver ce que je fais, on me laisse tranquille, même si Ivackas m'a menacée une ou deux fois de m'enchainer à son bureau à l'infirmerie si je ne levais pas un peu le pied. Une semaine d'entrainement plus tard, Sheba et moi sommes parfaitement au point, et mon secret n'a pas été éventé. J'ai bien eu le sentiment d'être observée parfois pendant mon entrainement mais, n'ayant apparemment pas été dénoncée par qui que ce soit, je n'ai pu que conclure que ça devait tout simplement être un peu de paranoïa.
Est enfin arrivé le jour de la première étape de l'examen d'entrée au Seed : la capture du G-Force qui deviendra l'arme ultime du Seed. Convoqués tôt dans la matinée à Timber où ils doivent prendre un bateau pour une destination secrète, les élèves de ma classes se rassemblent d'abord dans le parking de la BGU pour un ultime briefing des professeurs, avant de monter dans le bus. Je quitte là mes amis puisque je suis la seule – avec Etan, mais qui s'en soucie – à ne pas avoir besoin d'un G-Force. Le soir, Casey et Bess reviennent épuisés mais heureux de leur voyage. Ils ont réussi haut la main, notamment grâce à l'aide qu'ils m'ont apportée pour mon entrainement qui leur a permis de bien gérer les G-Forces. La plupart des candidats ont réussi à soumettre et capturer un G-Force, même Kern, ce qui est un exploit de sa part bien qu'il ait à présent un bras et plusieurs cotes cassées ; et Méryl qui revient pour sa part avec une jambe paralysée par du poison qu'Ivackas soigne sans tarder en grognant. Parmi les cinq recallés on compte deux amies de Méryl et Ted, un élève arrivé il y a quelques mois et qui n'avait clairement aucune chance. Enthousiastes, mes amis me narrent leurs exploits face au G-Force qu'ils ont eu à affronter, et pendant une minute, je regrette presque de ne pas avoir eu à combattre, comme eux, pour mériter l'allégeance de ces créatures fascinantes. Le G-Force de Casey, Tullalu, possède les pouvoirs de l'électricité, ce qui selon moi représente bien peu le caractère placide de mon meilleur ami, mais lui se déclare complètement satisfait. Bess quant à elle, a eu à combattre un G-Force végétal, Ebu, qui maitrise également l'eau. Nos entrainements clandestins, en attendant la prochaine étape de l'examen au Seed, deviennent du même coup trois fois plus intéressants - et trois fois moins discrets. Les instructeurs nous ont donné la procédure pour contrôler nos G-Force – ce qui n'était plus tout à fait nécessaire à moi-même ni à mes amis, mais il nous reste encore du travail pour maitriser totalement leurs pouvoirs. Cacher l'invocation de trois G-Force dans le silence de la nuit se révèle bientôt ardu, d'autant plus que, ne se connaissant pas, ils ont d'abord commencé par se battre les uns contre les autres. Tullalu a balayé Sheba qui avait mis Ebu en pièces. Pour plus de sûreté, on a finalement décidé de les invoquer les uns après les autres en attendant que les instructeurs en viennent à cette partie du cours...
- Tu crois qu'Ivackas va m'inviter pour le bal ? me demande pour la centième fois Bess en reniflant au milieu de la quantité industrielle de mouchoirs qu'elle a entassés sur son lit.
- Oui, Bess, j'en suis certaine…
Elle déprime en ce moment. Comme la quasi totalité de la BGU à cette époque de l'année. Elle angoisse à cause de ce fichu bal : elle a fini par admettre avoir peur qu'Ivackas ne veuille pas y venir - ou pire, qu'il invite une autre fille. Le comble de l'horreur. Pas au point d'aller demander directement à Ivackas de l'accompagner, histoire d'être tranquille, cependant.
- Tu es folle, s'écrie Bess d'un ton horrifié quand j'ose lui suggérer cette idée saugrenue. Pour qu'il pense que je lui cours après ?
- Mais euh... est-ce que c'est pas le cas ?
- Si, fait-elle d'un ton féroce. Mais il a pas besoin de le savoir ! Je suis pas une de ces greluches qui va lui courir après dans toutes la fac !
Hem... Je profite de ce que je range le bureau en lui tournant le dos pour lever les yeux au ciel. Elle ne lui court pas après et ne lui tend pas d'embuscades au détour des couloirs comme certaines, certes, mais elle assiège littéralement l'infirmerie. C'est quasiment devenu son domaine. Cela dit, Ivackas n'a jamais eu l'air de s'en plaindre, et c'est souvent lui qui la convoque avec ce qui pourrait passer pour de l'abus si ce n'était pas aussi bien dissimulé derrière des raisons professionnelles. On les a épié une fois, avec Casey, et c'était ennuyeux à périr. Ces deux-là sont affolants de banalité quand ils sont ensemble. Pas un mot qui sorte du sujet, pas un geste déplacé. N'étaient les regards qu'ils se lançaient et que des observateurs attentifs n'auraient pas de mal à interpréter, rien n'indiquerait autre chose qu'une discussion sur la médecine. À un tel point que eux mêmes ne voient au delà. Mais les connaissant, impossible de son tromper. Enfin, je reconnais tout de même que je ne me fierais pas tellement à mon jugement si Casey ne le soutenait pas.
- C'est lui qui doit voir si c'est avec moi qu'il veut venir au bal, insiste Bess en se mouchant une nouvelle fois. Je ne veux pas lui mettre la pression. Ou me taper la honte s'il refuse.
- T'as raison, c'est tellement plus palpitant d'attendre là en pleurant qu'il ait une illumination... je fais d'un air exagérément guilleret.
Bref, les élèves de la BGU ne vivent plus depuis une semaine. Pour ma part, je me concentre sur l'examen qui aura lieu vendredi.
- Eva, ton manque absolu de romantisme est vraiment désespérant… soupire Bess avant de se moucher à nouveau.
- Si ça peut m'éviter de me retrouver dans ton état, ça me convient, je ricane en voyant sa mine rougie et ses yeux complètement bouffis.
- Les filles, courrier ! fait Mai, la responsable du dortoir en frappant à notre porte entrouverte avant de jeter deux enveloppes sur le lit de Bess et de disparaître en direction des autres chambres.
- Y'en a une pour toi, m'appelle Bess, alors que je retournais à mon bureau.
Un sourcil haussé, je la rejoins. Personne ne m'écris de lettre. Des mails oui, fréquemment, puisque c'est le moyen le plus rapide de communiquer, mais pas de courrier sur papier... Toute aussi intriguée que moi, Bess délaisse un moment son propre courrier et ses mouchoirs pour me tendre la lettre. Je m'assieds à côté d'elle et inspecte l'enveloppe. Je suis instantanément refroidie.
- C'est de Kern !
- Kern ? Lache Bess du ton qu'elle aurait employé pour dire «berk». Comment tu sais, y'a pas de nom...
- Y'a que lui pour utiliser ces pattes de mouches. T'as jamais eu à l'aider à corriger ses comptes rendus, mais crois-moi...
- Qu'est-ce qu'il te veut ? On l'a croisé tout à l'heure, et sa chambre est de l'autre côté du couloir. Il pouvait bien te parler directement... Mais allez, ouvre !
Nettement douchée par la découverte de la provenance de la lettre, je l'ouvre avec méfiance. Pour ce que j'en sais, même quelque chose d'aussi neutre qu'une enveloppe peut se révéler dangereux si Kern l'a manipulé. À ma grande horreur et à l'hilarité de Bess, j'en retire une carte d'un rouge flambant qui se révèle être un cœur visiblement découpé et décoré à la main. Toute déprime envolée, ma meilleure amie se fout littéralement de ma poire, pleurant de rire affalée sur son lit.
- Qu'est-ce que je fais de ça ? Je demande, affolée, en tenant la carte du bout des doigts.
- Lis-la ! Je suis sûre que ce sera très mignon, répond-t-elle avec ce que je prends pour un tantinet de sadisme.
- Certainement pas ! Je proteste, écarlate.
- Allez, je suis sûre qu'il s'est donné beaucoup de mal, insiste Bess en essuyant ses larmes. Et après tout ce que tu me fais subir avec Ivackas, tu me dois bien ça.
- Tu veux dire que c'est toi qui lui a demandé de...
- Ah non, promis ! Mais vu ton état, je suis presque déçue de pas y avoir pensé moi-même, rit-elle encore. Allez, passe-moi la carte, je veux savoir ce qui est écrit, moi...
Se penchant par dessus un tas de mouchoirs, elle attrape la carte de Kern, et un accès de fureur envers ce dernier m'envahit. Est-ce qu'il a complètement perdu la tête ? Si je l'attrapais là, je...
- « Ma chère Eva », commence Bess en dissimulant à grande peine son hilarité pour prendre un ton ampoulé dans une plutôt mauvaise imitation de Kern, tandis que je me sens un peu plus mourir de honte à chaque mot. « Je veux te dire que tu es la plus belle fille de toute la BGU, avec la couleur océan de tes yeux si beaux, et je serais très honoré que tu veuilles m'accompagner au bal. Tu me trouveras près de la fontaine dans le hall à 20h, et j'aurai une rose rouge à ma boutonnière. Signé : Ton admirateur secret». Ton admirateur secret ! Mon dieu, je peux mourir heureuse maintenant, finit-elle en se laissant tomber sur le dos, secouée d'un fou rire incontrolable.
- Oh. Mon. Dieu, j'articule, atterrée. Tu me fais marcher, il a pas écrit ça ?
- Mot pour mot, fait Bess avec un grand sourire en me tendant la carte. Qu'est-ce que tu vas lui répondre ?
- Qu'est-ce que tu vas répondre à qui ? Demande Casey, qui vient de passer sa tête par la porte. On vous entend de l'autre bout du dortoir.
- Eva a un admirateur secret ! S'écrie Bess en bondissant sur son lit avant que j'aie pu dire un mot.
- Kern a voulu t'inviter au bal ? Devine-t-il, amusé. Alors qu'est-ce que tu vas lui répondre ?
- Moi ? Mais rien ! Je fais, horrifiée, tandis que Casey vient s'asseoir de l'autre côté du lit en riant. Qu'il aille admirer secrètement quelqu'un d'autre !
- Sa carte est tellement romantique, raille Bess. Moi je pense que tu devrais sérieusement reconsidérer la question. Si ça se trouve...
- La ferme, je grogne, éclarlate, en lui arrachant la carte des mains avant qu'elle ne la tende a Casey.
- Oui, range la bien précieusement, me crie-t-elle dans un grand rire tandis que je sors de sa chambre.
- Tu ferais peut-être mieux de t'occuper d'Ivackas, qui sait combien de cartes lui a pu recevoir à l'heure qu'il est, je fais perfidement avant de retourner à ma chambre.
Le rire de Bess s'évanouit instantanément, remplacé par celui de Casey lorsque notre meilleure amie bondit littéralement de son lit pour se préparer en toute hâte en vue d'une visite éclair à l'infirmerie avant que le prochain cours ne commence. Et toutes les filles de la BGU sont dans cet état-là, sérieux... Une fois Bess est partie comme une tornade, Casey me rejoint et s'assied sur mon lit en face de moi pendant que je transforme la carte de Kern en confettis.
- Alors, ce bal ? Il me demande en m'observant étrangement.
- Quoi, le bal ? Tu vas pas t'y mettre ?
- C'est notre dernière année en tant qu'élève, Eva...
- Oui, et alors ?
- Alors, ça te dit pas de fêter ça ?
- Mais j'en avais bien l'intention ! C'est pour ça que j'irai pas au bal.
- Pour aller t'entrainer à la serre ? Devine-t-il en se retenant à peine de lever les yeux au ciel.
- Oui, et alors ?
- Eva...
- Mais quoi ? Je grogne, sur la défensive.
- Cette année tu viens avec moi. C'est un ordre, dit-il en imitant Ivackas, d'une voix caverneuse.
- Pour tenir la chandelle, non merci...
- Quelle chandelle ?
- Dans ce cas, qu'est-ce que tu comptes dire à la pauvre fille que tu vas planter, si on y va ensemble ?
- C'est pas un problème, il n'y a aucune « pauvre fille ». Je n'ai personne avec qui y aller.
- Tu es désespéré, si je comprends bien ? je ris.
- Complètement ! Alors ? Insiste-il en battant des cils.
- J'y réfléchirai, dis-je lentement en retenant un fou rire.
- Yes ! fait-il en levant les bras en signe de victoire, à genoux sur mon lit.
Au même moment, sa montre se met à sonner à son poignet. Nous échangeons un regard inquiet. Cette sonnerie, c'est pour indiquer l'heure à laquelle le cours commence... Nous sortons du dortoir en courant, et filons à toute vitesse vers la salle de cours. J'ai beau être la fille du directeur, je n'en ai pas moins à respecter le règlement. A bout de souffle, je me laisse tomber sur le banc près de Bess, tandis que Casey prend sa place habituelle, juste devant nous. Nous avons de la chance, ce n'est qu'à ce moment qu'arrive l'instructrice, Maura Ettpin. C'est une ancienne élève de Trabia, qui est finalement venue enseigner ici. La trentaine, sympa, sans plus. C'est un bon instructeur, ses cours sont biens, et les élèves les adorent en général. Son domaine de prédilection, c'est l'histoire. Et moi, j'ai horreur de ça. Bess est trop occupée à déprimer pour suivre réellement le cours : Ivackas n'était pas à son bureau ; mais Casey est visiblement passionné, et prend des notes à toute allure. Je laisse mon regard errer dans la classe. Je me demande qui sera reçu à l'examen Seed, cette année. Kern ? Trop maladroit, trop bête, trop peureux. Meryl ? Trop émotive, aucune diplomatie. Lilly ? Trop mauvaise langue, hypocrite. Théo ? Aucune discipline, trop gamin… Et moi ? Un concentré de tout ça, je crois. Sauf la peur. Une belle bande de recalés en perspective. Par contre, je crois qu'il n'y a aucun souci à se faire pour Casey. Plus quelques autres qui ne devraient pas trop mal s'en sortir. Bess, elle, veut devenir médecin de terrain. En tant que tel, elle sera également Seed et sera apte au combat, mais elle passera un examen différent du notre. Quand à moi… Ma foi, je ferai de mon mieux, et j'y arriverai. Il faut que j'y arrive.
Le cours se termine après que j'aie été rappelée à l'ordre plus de trois fois par une Maura exaspérée et que Kern se soit débrouillé pour faire planter son ordinateur et perdre tous ses cours de l'année.
A la fin de nos cours de la journée, nous devons nous rendre à la serre de combat principale, pour rejoindre Quistis en vue d'un entraînement. C'est le cours que je préfère ; on fait des simulations de situations de combat, on apprend des tactiques, des stratégies, à travailler en équipe. Casey, Bess et moi, nous nous entraînons souvent ensemble, et nous sommes les meilleurs. Avant de nous laisser pénétrer dans la serre par la grande porte couleur rouille, Quistis nous réunit avant de commencer le topo.
Soudain, le porte s'ouvre de nouveau et quelqu'un entre.
Super.
C'est Etan.
Il arrive tranquillement, comme si de rien n'était, marmonne un vague "désolé" et vient nous rejoindre en se plaçant au dernier rang. Quistis lui lance un regard courroucé, mais continue. Si elle ne dit rien, c'est parce qu'il n'assiste quasiment jamais aux cours à cause de ses nombreux déplacements en dehors de la BGU, alors du moment qu'il vient, elle essaie de ne pas faire trop de remarques.
- Bon, on va faire des groupes trois, comme la dernière fois. Je rappelle rapidement les règles : vous vous disperserez dans la serre. Chaque groupe devra affronter les autres en essayant d'en éliminer les membres. Le dernier groupe auquel il restera des membres aura des bonus pour son prochain test.
C'est dans la poche. Casey, Bess et nous regardons en souriant.
- N'oubliez pas, recommande-t-elle encore, vous devez couvrir vos coéquipiers ! C'est en travaillant en équipe que vous survivrez !
Il ne s'agit évidemment pas de vrais combats. C'est juste un entraînement ; nos armes ne lancent en fait que de la peinture rouge, pour qu'on puisse remarquer ceux qui se seraient fait toucher en combat réel. Il suffit de savoir rester silencieux et bien caché tout en essayant de trouver et surprendre les autres. C'est tout bête, quoi. Et je sais déjà quelle est la première personne que je veux éliminer…
Bess, Casey et moi, nous nous mettons ensemble, comme toujours, et nous partons de notre côté, nous faufilant entre les hautes fougères et les arbres touffus ; tous les autres groupes en font autant.
Il parait qu'au départ, la serre de combat était beaucoup plus petite que ça. Ce n'est qu'il y a quelques années que mon père a décidé de l'agrandir et de créer toutes ces serres annexes quand il a vu que le nombre d'élèves augmentait. Maintenant, en tout cas, c'est immense, et c'est l'endroit de toute la BGU que je préfère et où je passe le plus de temps. J'y suis presque aussi souvent qu'à l'infirmerie, c'est pour dire.
Je m'y attendais un peu, dix minutes ne sont pas écoulées que Kern est éliminé. Cachée derrière un rocher, je le vois passer, tout penaud, par le sentier qui ramène à l'entrée de la serre. D'autres élèves le suivent de près dont Meryl, qui s'est fait remarquer grâce à sa discrétion naturelle - on a eu droit à un éternuement retentissant - et éliminer sur le champ. J'arrive à éliminer sept élèves, Casey huit et Bess cinq. On forme une bonne équipe. J'ai manqué de me faire toucher une fois, mais je n'ai pas eu le temps de repérer par qui.
Je remarque un léger mouvement dans un fourré, cinq mètres à ma gauche. Je fais signe à mes coéquipiers, et nous avançons prudemment. Les deux élèves, Théo et Lilly nous tournent le dos, et discutent à voix basse. Casey, Bess et moi nous nous préparons et PAM ! PAM ! PAM! Une équipe en moins, une ! Consternés et déçus, les nouveaux éliminés quittent leur cachette et vont rejoindre Quistis et les autres à la sortie de la serre. Cela fait un peu moins d'une heure que nous avons commencé, et d'après nos estimations, il ne doit pas rester grand monde. Casey me tapote soudain le bras pour attirer mon attention. Il me montre du doigt une autre équipe où il ne reste plus que deux membres - deux secondes plus tard, il n'en reste aucun ! Quelques minutes plus tard, c'est au tour de Bess de repérer un élève, qui lui est tout seul. Éliminé. Ce qui m'énerve, c'est que je n'arrive pas à repérer Etan. J'ai vu ses deux équipiers se rendre, mais lui, aucune trace.
La serre de combat est une véritable jungle. Nous avançons précautionneusement entre les hauts arbres en essayant de ne pas marcher sur les petites branches tombées qui pourraient trahir notre présence. Avec Casey en tête, nous marchons les uns derrière les autres en écartant doucement les fougères géantes qui gênent notre progression. Bess le suit, et je ferme la marche, attentive au moindre mouvement suspect de feuilles, au moindre bruit. Tout à coup, une bombe de peinture atterrit sur un tronc entre Bess, à hauteur de son épaule. Quelqu'un nous a donc repérés. Casey se redresse et nous tire par le bras pour que nous nous mettions à l'abri, mais immédiatement après, il se fait toucher, et la même bombe éclabousse aussi Bess. Je suis la seule à ne rien avoir. Mes amis me laissent en me souhaitant bonne chance tandis que moi, j'essaie de me planquer le plus possible derrière une caisse. Impossible de repérer la personne qui leur a tiré dessus, la végétation est trop épaisse. Le tireur ne doit pourtant pas être très loin. Je me mets à plat ventre pour ramper entre les arbustes et avancer en direction de l'endroit d'où je suppose que les tirs venaient. Tiens, on dirait que ça a bougé là-bas. Je m'avance toujours en rampant quand j'aperçois une ombre passant à toute allure entre deux arbres. Je décide alors de me relever pour me déplacer plus rapidement. Je suis tout près, j'en suis sûre. Puis l'ombre disparaît de ma vue, on dirait qu'elle est passée derrière un muret. Je la suis prudemment, en regardant de tous côtés, cherchant si un des buissons ne pourrait pas masquer l'élève, mais je ne vois rien. Bon sang, mais où est-ce qu'il est passé ? Je continue à avancer, mais je suis sûre de l'avoir perdu, maintenant. Raaah… je le vois toujours pas. Il a du partir.
- Toujours faire attention à ses arrières, mademoiselle Leonheart! Est-ce que ça t'arrive d'écouter les cours de défense ? fait une voix dans mon dos.
Je ferme les yeux, exaspérée, et inspire profondément. Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? OK, pleins de trucs qu'une entité divine digne de ce nom ne peut sûrement pas laisser passer sans m'infliger une petite leçon, je le reconnais. Mais je trouve ça franchement injuste que la leçon aille jusque là. Je me retourne lentement, les mains levées, mais je sais déjà qui c'est.
Etan. C'est lui qui est passé par l'endroit où je me trouve, qui a contourné le mur et a fait le tour pour me surprendre par derrière. Il arbore son petit sourire triomphant, et a son arme pointée sur moi. Il doit jubiler : il n'a qu'à presser la gâchette, et je suis éliminée. Mais ça ne suffit pas, il faut qu'il me fasse mariner, afin de bien montrer sa supériorité.
- Alors, comment est-ce que ça va depuis la dernière fois ? demande-t-il, comme si nous étions en récréation.
Il sort tranquillement un chewing gum de sa poche et en prend un.
- Tu en veux un ? demande-t-il en me tendant la paquet.
- Va te faire v …
- Oh oh, restons polis, je te prie, me réprimande-t-il en prenant un air exagérément choqué.
Mais il a pas fini de se foutre de moi ?
- Ils sont bons, tu sais, c'est au citron.
- C'est pour aujourd'hui ou pour demain ! Tire, qu'on en finisse !
- C'est vrai qu'il fait chaud, aujourd'hui, mais bon il faut faire avec, en conditions réelles ce serait la même chose, après tout. Mais c'est vrai que toi tu ne peux rien en savoir…
- T'as fini de te ficher de moi ? Tire !
- Au fait… c'est bientôt le bal. Est-ce que tu y vas ?
Je reste un moment déconcertée, mais je me reprends.
- Ce ne sont pas tes affaires, je grommelle.
- Non, bien sûr que non, ce n'est pas ton genre…
- Mais de quoi je me mêle ? Je m'exclame, furieuse.
- Et puis, pour ça il te faudrait un cavalier, et je ne crois pas qu'il y ait un seul garçon assez cinglé ici pour être volontaire. Sauf peut-être Kern… dit-il lentement comme s'il réfléchissait à la possibilité.
Il n'évite que de justesse ma chaussure, qui va taper contre le mur derrière lui.
- Raté, rit-il. Et tu vas lancer l'autre, maintenant ? Personnellement, je ne suis pas sûr que ce soit une très bonne idée, tu sais. Tu vas avoir mal au pieds pour rentrer, il y a plein de petits cailloux par terre. Mais bon, moi, ce que j'en dis…
Ca, c'est bien le dernier de mes problèmes. J'enlève ma chaussure et m'apprête à la lui balancer dans la figure quand… deux coups sont tirés. J'écarquille les yeux, stupéfaite. Je suis couverte de peinture rouge, mais… Etan aussi. Ahuri, il me regarde sans comprendre. Qui a tiré, alors ? J'aurais pourtant juré que tout le monde avait été éliminé. Deux rires retentissant à quelques pas de nous nous font comprendre qu'on vient de se faire avoir.
- Et deux de moins ! rit Greg, un élève de notre classe, en brandissant son arme. Woohooo !
Quelle idiote ! A cause de cet crétin imbécile prétentieux et imbu de lui même d'Etan, je ne faisais absolument plus attention et je me suis énervée. Pas étonnant qu'on se soit fait repérer! Greg me lance ma chaussure en riant et nous souhaite un bon retour, toujours avec son rire de dindon. Lui, par contre, il n'arrive pas à éviter ma chaussure et se la prend en pleine nuque. Ca lui fera les pieds. Sur le chemin du retour (après que j'aie de nouveau récupéré ma chaussure), Etan et moi nous nous traitons de tous les noms. Il est persuadé que tout est de ma faute, qu'il ne se serait jamais fait attraper si je n'avais pas été là. Ce qui n'est pas faux, mais ne m'attriste pas plus que ça. En tout cas, je suis bien contente parce que lui aussi s'est fait éliminer.
- T'avais besoin de hurler comme ça, aussi ? râle-t-il, furieux.
- Fallait pas me chercher. Tout ça c'est de ta faute.
- Quoi ?
- Oui, tu voulais absolument profiter de ton petit quart d'heure de gloire, hein ? "Ooooh, c'est mÔa le plus fooOoort, j'ai réussi à battre Eva" ! Ce que tu peux être stupide !
- Je n'ai rien dit de tout ça ! Je t'ai proposé un putain de chewing gum !
- Ouais, par pure générosité, je raille.
- Tu l'as juste mauvaise parce que j'ai failli t'avoir.
- TU l'as mauvaise parce que tu as failli m'avoir, je ricane.
- Je te signale qu'un peu plus et je t'avais ! Mais il a fallu que toi, tu ameutes tout le monde !
- A cause de qui, à ton avis ?
- Parce que c'est moi qui t'ai poussé à hurler comme une harpie, peut-être! hurle-t-il lui-même, excédé.
De toute façon, j'aurais été éliminée par Etan, même si Greg et son coéquipier n'avaient pas été là. Et à la limite, je préfère encore avoir été éliminée par ce crétin de Greg que par ce débile prétentieux d'Etan. Bref, on est toujours en train de se disputer quand on rejoint toute la classe. Quistis sonne alors la fin de l'entraînement, puisque le seul groupe qui reste, c'est celui de Greg. Je suis dégoûtée. Je hais Etan Almasy.
Les cours sont finis pour le reste de la journée et tout le monde retourne au dortoir prendre une douche et se changer. Je hais Etan Almasy.
- Ce sera pour une prochaine fois, me dit Bess sur le chemin du retour.
- Je hais Etan Almasy, je siffle entre mes dents.
Évidemment, à elle ça ne lui pose pas de problème, elle a des bonnes notes dans toutes les matières. Un bonus, pour compenser mes notes catastrophiques d'histoire et de géographie, ça ne m'aurait pas fait de mal. Et puis, pour une fois qu'il était là, je voulais vraiment lui mettre la pâtée. Au lieu de ça, je me suis pris deux humiliations. Merci bien.
Bess, après s'être faite tout jolie, part voir si elle ne trouverait pas Ivackas dans son infirmerie - à tout hasard, comme si elle avait une chance de le rencontrer n'importe où ailleurs.
- Je veux juste lui poser une question sur la propriété curative d'une plante, se défend-t-elle en rougissant violemment.
Je la regarde sortir en souriant. Au même moment, quelqu'un frappe à la porte qui s'entrouvre. C'est Casey, un sourire s'étirant d'une oreille à l'autre, qui cache visiblement quelque chose dans son dos.
- Devine ce que j'ai pour vous ? Fait-il d'un air mystérieux.
- Si ça ne contient pas de chocolat, je n'en veux pas, je te préviens.
- Je pense que tu vas vite changer d'avis, fait-il en entrant. Bess n'est pas là ? demande-t-il en me tendant un des deux paquets qu'il dissimulait.
- Elle est à la chasse, je réponds en m'asseyant confortablement sur mon lit pour ouvrir le paquet.
Il s'appuie contre le mur et me regarde d'un air amusé, jusqu'à ce que je découvre le contenu du paquet. Un cri m'échappe.
- Oh ! Les uniformes ! Je m'exclame, en caressant le tissu sombre, la gorge nouée.
- Ils sont arrivés tout à l'heure, Mai les distribuait, alors j'en ai profité pour prendre les vôtres.
Ravie, je sors la veste du papiers pour l'étirer devant moi. J'observe les dorures, les fins motifs brodés sur les épaules, les écussons sur les épaules. Tout est parfait. Je prends alors réellement conscience que mon rêve est sur le point de se réaliser. Bientôt je serai Seed. Je pose avec une précaution infinie la petite veste et la chemise sur le lit à côté de moi, pour voir le reste du contenu. Cette fois, c'est un cri d'horreur qui m'échappe.
- Mais... Mais qu'est-ce que c'est que
ça ??
- Ben le reste de ton uniforme, fait Casey, en retenant à peine un fou rire.
Je brandis la jupe noire aux coutures dorées, furieuse.
- Tu t'es trompé, c'est pas pour moi !
- Il y a ton nom sur le paquet, Eva.
- Une jupe ! je glapis. Une
jupe ! Tout le monde sait que je ne porte
pas de
jupe[/u], il y a forcément une erreur... Je croyais que les uniformes devaient être modifiés ?
- En tout cas, Méryl et Lilly trouvaient leur jupe « trop tendance ».
- Je crois que je vais vomir...je fais, accablée. Qui a décidé ça ?
- Aucune idée, fait Casey en haussant les épaules.
- Mais comment tu veux que j'aille au combat dans cette tenue, sérieusement ? C'est impossible, comment tu veux être à l'aise quand y'a... quand y'a... je bafouille, furieuse, en contemplant le bout de tissu qui me semble soudain rétrécir à vue d'oeil.
- Comme toutes les autres l'ont fait avant toi...
- Mais tu as vu comme c'est court ?
- Et tu voudrais que ça arrive où ? rit Casey.
- J'en sais rien, aux chevilles, au moins ! Je réponds, désespérée, pendant que Casey éclate franchement de rire. Comment tu veux faire un combat au corps à corps dans cette tenue ? On voit tout !
- Je trouve ça très sympa moi...
- Casey ! je proteste, écarlate.
- Exagère pas, ça doit arriver, quoi, un peu au-dessus du genou ?
- C'est purement du sexisme ! De la misogynie ! C'est pas normal ! Oh, c'est ça, marre-toi, j'aimerais bien t'y voir !
- Je suis sûr que ça t'ira beaucoup mieux qu'à moi ! Rit-il en rattrapant mon oreiller avant de se le prendre en plein visage.
Déçue, je laisse mon uniforme sans même le ranger, avec la ferme intention d'en rediscuter avec mon père. Une jupe, non mais sans blague... Casey et moi nous nous rendons sur le campus en faisant une halte à la cafétéria pour prendre de quoi goûter. Ma mauvaise humeur finit par se dissiper et nous nous asseyons sur un muret pour discuter au calme. Enfin, dans un calme relatif, puisque le comité d'organisation du bal s'affaire dans les derniers préparatifs à quelques mètres de là. Nous nous amusons un moment à les regarder se dépêtrer dans les décorations puis nous allons dîner, toujours hilares. À cette heure-ci, la cafétéria est bondée, mais nous arrivons tout de même à trouver une place et nous nous installons en attendant que Bess nous rejoigne. Tout le monde autour de nous discute du bal qui aura lieu dans deux jour. Peu sont réellement enthousiastes à propos du bal lui-même, mais tout ce qui permet de sortir du train train dodo-entrainement-dodo est toujours bon à prendre. Ce n'est pas si souvent que le couvre feu est repoussé à minuit, et tout le monde a l'intention d'en profiter. En voyant les filles des tables voisines dévorer des yeux mon meilleur ami, je me demande s'il cherchait vraiment une cavalière, en fait…
Lorsque nous retournons au dortoir, vers 21H30 - couvre-feu oblige - nous croisons Maman et Lena, qui se rendaient à l'étage. C'est là que se trouve l'appartement de mes parents. Il faut passer par un couloir spécial auquel seule la famille a accès, évidemment. J'aurais pu vivre là-haut, moi aussi, mais j'ai toujours préféré le dortoir, depuis toute petite. Assise au bord du bassin qui entoure l'ascenseur, ma sœur nous raconte sa journée avec enthousiasme puis rejoint ma mère après avoir planté un gros bisou sonore sur chacune de nos joues.
Le vendredi tant attendu arrive enfin. Bess s'est remise à respirer : Ivackas s'est enfin décidé à l'inviter, et elle m'avoue qu'elle avait bien cru qu'elle n'irait pas au bal cette année. Pourtant, je sais qu'elle a reçu des dizaines de demandes. Je le sais parce qu'elles s'empilent toujours en deux gros tas sur mon bureau, et qu'elles sont bien moins efficace pour la taquiner qu'une seule lettre de Kern m'étant adressée. Complètement inutiles, donc.
Le test physique qui clôt l'examen a lieu aujourd'hui et se déroule en extérieur. Traditionnellement, ce test se déroule en mission réelle, mais le conflit auquel nous devions prendre part s'était finalement résolu à la dernière minute, les instructeurs ont du se résoudre à créer un test totalement artificiel pour ne pas repousser la cérémonie. Ce qui ne signifie pas pour autant que ce sera plus facile. Ça va se passer juste à l'ouest de la BGU, dans la forêt. Il s'agit du même type d'exercice que nous avons répété en entrainement : les candidats seront lâchés par groupes de trois à divers points de la forêt avec pour objectif d'atteindre un point précis où se trouvent des drapeaux que nous devrons rapporter à Quistis. Sauf que nous serons confrontés à des situations différentes qui permettront de tester notre rapidité, notre capacité à prendre des initiatives, à réagir au danger, à gérer le travail en équipe lors de combats contres des monstres que nous n'avons jamais été amenés à combattre, mais également contre les équipes adverses. Parce que, évidemment, il n'y aura pas de drapeaux pour tout le monde, et que seuls qui n'auront pas été éliminés dans une équipe seront considérés comme ayant réussi leur mission.
Casey se tient juste à côté moi, légèrement nerveux, tout comme le reste de la classe. Pas étonnant : les heures qui vont suivre seront déterminantes pour notre avenir. Les candidats se tiennent tous debout, un peu raides dans leur uniforme tout neuf, qu'il nous avait été expressément ordonné de porter aujourd'hui, à mon grand désespoir. Même si la mission n'est pas officielle, au moins pour le symbolisme. Mais il fallait bien respecter la tradition, en tant que futur Seed, et porter ce qui va devenir le symbole le plus visible de notre fonction pour cet ultime test. Si je réussis, ce qui est mon but, je n'ai pas fini de porter cette horreur, autant s'y faire. Cependant je n'arrive pas m'empêcher de triturer ma jupe pour la faire redescendre. Je suis persuadée que le tissu a été étudié pour remonter tout seul, et je ne lui fais pas confiance. Les autres filles semblent s'y faire, mais je ne peux m'empêcher de regretter de ne pas porter un pantalon. Quelle injustice.
Quistis nous donne ses dernières instructions. Ne pas trop nous éloigner, prendre garde aux équipes adverses, aux différents monstres et à leur type. C'est pour ça qu'en plus des armes à peinture, nous avons aussi nos armes habituelles. Quistis forme les différents groupes. Puis vient mon tour.
- Eva … Tu seras avec Greg et Meryl.
Je manque de suffoquer.
- Quoi ? Mais… mais… c'est une blague ?
- Tu trouves quelque chose à y redire ?
- Mais enfin … C'est avec Casey que je suis normalement, tu le sais !
- Aujourd'hui, ce sera Greg et Meryl.
- Tu peux pas me faire ça ! Tu veux ma mort ou quoi ?
- Eva, le professeur, ici, c'est moi. Va rejoindre ton équipe.
À croire qu'on s'acharne sur moi. Casey m'envoie un regard d'encouragement, et c'est comme si je l'entendais : Si elle fait ça, c'est qu'elle a une bonne raison… Ca aurait pu être pire : te retrouver avec Kern, imagine... Casey est la raison même, et il est sûrement dans le vrai. Quoique là, a priori, c'est moi qui vient de me faire ces réflexions à moi-même. C'est peut-être le début de la sagesse, qui sait... Greg m'accueille avec un regard noir et Méryl fait celle qui n'a jamais reçu d'aussi bonne nouvelle de toute sa vie. Casey est placé avec deux garçons que je ne connais que de nom. Il me fait un signe de la main en prenant place. De manière générale, tous les groupes habituels sont disloqués pour empêcher que des groupes de niveaux trop différaient aient à s'affronter. Mais voir Casey dans une équipe adverse me serre le coeur. Nous sommes désormais concurrents, même si nous savons tous les deux que nous ne ferons rien l'un contre l'autre. L'absence de Bess à nos côtés me pèse également. Elle passe en ce moment même son test de connaissances médicales.
- Et Kern, pour l'amour du ciel, finit Quistis, tache de ne tuer personne aujourd'hui. J'aimerais vraiment que le journée finisse ailleurs qu'à l'infirmerie, pour une fois. Et pour tout le monde, n'oubliez pas : quand la cloche retentit, vous devrez tous revenir !
Nous nous éparpillons ensuite dans la forêt, mais ce n'est décidément pas comme d'habitude. Meryl et Greg font preuve d'une imprudence inimaginable, et à cause de leur vigilance déficiente, je manque d'être éliminée trois fois. Heureusement, à chaque fois, la balle de peinture s'écrase contre un arbre. Meryl ne tarde pas à être éliminée elle-même. Du reste, ça ne me change pas beaucoup, elle me gênait plus qu'autre chose. Au moins, je n'ai plus à me préoccuper d'elle.
Greg et moi continuons à avancer côte à côte. Nous parvenons péniblement à éliminer six élèves à nous deux et devons aussi tuer plusieurs monstres qui se jettent devant nous. Rien de bien méchant, on a déjà combattu bien pire en entrainement ; il ne nous faut que quelques minutes pour en venir à bout, mais c'est tout de même une bête perte d'énergie et de temps à chaque fois. Nous arrivons à un endroit où la forêt se fait plus dense. Il me faut plusieurs fois écarter des fougères couper des branches basses pour me frayer un chemin mais l'avancée se fait sans encombres en général. Ce qui est presque angoissant. Où sont passés les autres?
Puis un bruit assourdissant attire notre attention. Je lève la tête. Les arbres masquent presque totalement le ciel mais je distingue nettement un vaisseau à travers les feuilles balayées par le vent dégagé par l'appareil.
- On dirait un vaisseau d'Esthar… fait Greg en s'arrêtant à côté de moi.
Tiens, c'est vrai, je n'y avais pas prêté attention. En tout cas, il se dirige vers la BGU. C'est probablement mon grand-père. Ce n'est pas la première fois qu'il se rend à la BGU, mais je ne savais pas qu'il devait venir aujourd'hui.
Nous poursuivons notre chemin en silence à la recherche d'adversaires.
- C'est bizarre, fait Greg après un moment. Ce vaisseau … Ce n'est pas celui que le président utilise pour venir, d'habitude.
Stupéfaite, je m'arrête pour me retourner vers la direction dans laquelle le vaisseau est parti. Mais oui ! C'est pour ça que je ne l'avais pas reconnu. Généralement, il en utilise un beaucoup plus discret. Celui-là, il sert à transporter des troupes, normalement. Troublée, je me remets en marche. Greg est devant sans m'attendre, et je dois accélérer le pas pour le rattraper. Mais c'est trop tard. Cet idiot a oublié de se mettre à couvert, et il se fait immédiatement repérer – et éliminer. J'ai juste le temps de me cacher derrière un arbre avant qu'une bombe de peinture ne s'écrase contre le tronc. Je ne vois personne, évidemment. C'est plus difficile que je ne le pensais. La forêt est pleine de coins sombres, et les fourrés font d'excellentes cachettes.
Prudemment, je me déplace. J'arrive à éliminer Kern, quelques minutes plus tard. Petite victoire. Ça me fait presque de la peine pour lui. Il avait réussi à rester dans la course jusqu'ici, ce qui est un exploit de sa part. Qui sait, s'il a obtenu un meilleur score que les autres, il sera peut-être retenu. Ce qui serait le mieux, c'est que j'arrive à avoir Etan. Mais vu que le terrain est plus grand, l'exercice est également plus difficile.
J'arrive à repérer le drapeau que je devais ramener, planté dans un présentoir en bois. Quelques uns ont déjà disparu, signe que je suis loin d'avoir accompli un exploit, mais je suis quand même heureuse d'y être arrivée. La sonnerie se fait entendre alors que j'ai rebroussé chemin depuis quelques minutes et croisé quelques monstres. Et voilà, c'est déjà fini… Même si je suis déçue de ne pas avoir fait un meilleur score, je sens un frisson d'excitation me parcourir. L'épreuve est terminée et je suis encore là ! Ça veut dire que j'ai réussi ! Enfin ! Je suis Seed ! Je ne me fais pas de souci pour Casey, je suis persuadée qu'il est déjà en train de nous attendre là-bas, son drapeau à la main. Il me tarde de trouver Bess et de tout lui raconter. Pour le coup, il me tarde d'être à la soirée du bal et de fêter ça.
Sur le retour, je ne croise personne, ce qui me surprend un peu, étant donné qu'il restait quand même pas mal de drapeaux. On dirait que les candidats ayant réussit l'examen ne seront pas très nombreux, cette année. J'atteins la lisière de la forêt d'où j'aperçois de loin la BGU. Il semble y a de l'agitation, là bas. Je ne vois pas très bien à cause de la distance et des quelques arbres dispersés qui me cachent la vue, mais on dirait qu'il y a plein de personnes qui courent dans tous les sens.
Intriguée, j'accélère le pas, et je constate que je m'étais pas trompée : il y a des soldats d'Esthar qui courent un peu partout et … ils sont armés ?
Effarée, je les vois se battre contre des élèves de la BGU, et j'aperçois plusieurs personnes allongées sur le sol, autour du vaisseau estharien qui s'est posé sur le côté. Je rêve, c'est pas possible ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Empoignant mon arme, je m'apprête à courir les rejoindre, quand…
Je sens une main se poser fermement sur ma bouche, et un bras passer autour de ma taille et me tirer en arrière. Je me débats, sans succès, tandis qu'on me tire en arrière, pour me ramener dans la forêt…
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commentaire de l'auteur :
Il s'agit du chapitre qui a subit le plus de changements – enfin, d'ajouts : des passages entieeeers, en majorité des dialogues ; ils n'étaient pas essentiels, mais je pensais que ce serait tout de même pas mal de développer un peu, et de mieux montrer les relations entre Eva et ses amis. J'ai aussi ajouté tout le passage concernant l'uniforme, parce que, tout de même, ça doit être un événement pour un futur Seed de l'obtenir. Voili voilou !
A la suite !