[Arkiidoh] Azial : Cycle I - Innocences

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Arkiidoh
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[Arkiidoh] Azial : Cycle I - Innocences

Messagepar Arkiidoh » 24 févr. 2005 20:45

Ma fic ne repose sur aucun Final Fantasy, par conséquent, si cela n'est pas en accord avec les règles de cette section, supprimez ce topic...
Mon histoire s'inscrit dans le registre de la Fantasy, un peu comme le Seigneur des Anneaux.
Etant ambitieux, j'ai l'intention de la publier un jour, ce qui prouve aussi que je suis naïf :(
L'histoire appartient à un schéma très simple :
Azial (le nom de l'épopée)
Première Partie : La Clef du Père (une partie dure 7 Cycles)
Cycle I - Innocences (un cycle dure 7 chapitres)

Je commence par le Prologue de l'histoire :


Prologue : Récit d’une Guerre séculaire


01 – Notre ciel


Qui ne l’a jamais regardé ? Ce ciel où resplendissent maintes princesses d’or et d’argent. Ce ciel où s’étalent sur une toile sombre des splendeurs d’un autre temps. Cette photographie pastelle, témoin de notre passé. Cette portion de souvenir s’étalant devant nous, figée.
Lorsque nos regards se risquent à glisser sur lui, nous voyageons. Nous voyageons loin, dans un temps qui nous est inconnu. Et à chaque étoile la distance augmente. Et à chaque étoile, le gouffre temporel se creuse un peu plus, nous entraînant toujours plus loin dans le passé. Plus nous cherchons à voir au-delà de nos limites, et plus nous nous éloignons du présent. Nous tendons tous vers cette version primitive de l’Univers, vers cet immense réceptacle de vie où la lumière suit sa voie tracée par ses propres limites, embrigadée par les lois de la physique, ces fameux trois cent mille kilomètres parcourus à la seconde.
Ce ciel persiste, encore aujourd’hui, à demeurer en évolution perpétuelle. À chaque instant, des étoiles s’éteignent tandis que d’autres s’éveillent. Mais qui peut bien savoir quand leurs lumières disparaîtront ou poindront sur nos télescopes ? Combien de temps devront-nous attendre pour enfin regretter la mort de l’une d’entre elles ou pour célébrer une naissance ? Pour connaître ces réponses, les années devront passer, des siècles, et peut-être même bien plus. Mais en définitive, seul le temps nous sépare de la solution de ce problème, de cette insidieuse envie de dévorer l’espace. Mais implacablement, à l’aube d’un millénaire futur, s’esquissera en traits d’or, sur la voûte céleste, la clef qui nous ouvrira une porte sur l’avenir.
Ce bond dans le temps nous permettra-t-il d’explorer un Univers plus proche de notre présent et non juste un lointain souvenir ? Nous permettra-t-il de rapprocher ce ciel jusqu’à l’effleurer du bout de nos doigts impatients ? Parviendrons-nous à apporter la lumière à toutes ces taches sombres qui, de notre point de vue, n’ont pas encore connues l’aurore ? À modifier la physique afin de percevoir l’Univers à l’instant présent ?
Et après ça, quoi ? Que distinguerions-nous ? Jusqu’où ? Nos regards perceraient-ils le ciel assez loin ? Mais que signifie ce assez loin ? Comment lui donner une définition qui engloberait la totalité de son sens ? Peut-être pouvons-nous l’assimiler au bord de notre Univers ? Mais si – et la plupart des théories semblent s’y accorder – celui-ci est en perpétuelle croissance, il ne peut avoir de bords. Alors, assez loin pour quoi ? Pour percevoir des planètes occultées par la lumière de leur propre soleil. Voilà une découverte qui révolutionnerait notre monde !
Avançons par étape. Tout d’abord, les plus puissants de nos télescopes capteraient un rayonnement si faible à plus de neuf milliards années-lumière qu’ils n’y porteraient que très peu d’attention, jusqu’à ce qu’une personne vienne vérifier les relevés de ces immenses yeux mobiles. Un rayonnement vient tout juste de s’immiscer sur le ciel de notre passé. Selon la logique qui est la nôtre, une étoile vient de naître. Mais avec ces milliers d’années d’évolution supplémentaires, avançons dans le temps en modifiant simplement la distance. Nous percevrions un gigantesque soleil tellement brillant qu’il nous apparaîtrait blanc, resplendissant comme un phare, perçant l’obscurité de l’Univers. Un nouveau grossissement, et ce serait les planètes gravitant autour de lui qui se montreraient, douze sphères. Puis ce serait le tour des lunes. La quatrième planète la plus proche de l’astre de chaleur aurait attiré l’œil de l’astronome. Il aurait fixé le télescope sur elle en remarquant son joli manteau d’or et d’azur. Ensuite, il aurait compté ses satellites naturels, et en aurait trouvé treize. Un ultime grossissement aurait fini par révéler un monde analogue à notre Terre. La seule différence notable serait l’inversion des proportions de mer et de terre : sur ce monde, le sol est présent sur une plus grande partie de la surface.



02 – Telis’ya


Dorénavant, oublions notre Terre et plaçons-nous du point de vue de cette planète.
Ses habitants la nomme Telis’ya, ce qui signifie terre des Dieux en ancien langage. Ils donnent également un nom à leur système solaire, Erouhara, ce qui se traduit par harmonie.
Les bases sont posées et définies à présent. Mais en quoi ce monde a-t-il pu intéresser un astronome ? Cela, il ne le saura que lorsqu’il visitera cette planète… même s’il est peu probable qu’il vive assez vieux pour le faire !
En vérité – même s’il ne voudra jamais l’admettre, un scientifique n’étant pas censé faire passer ses sentiments personnels avant la découverte –, c’est la beauté qui l’a submergé au travers de la lentille. Son regard s’est posé sur d’infinies forêts d’un vert tout aussi infini, sur des champs aux milliers de couleurs, sur des lacs aussi clairs et limpides que le ciel, sur des déserts scintillants de pierres précieuses. Mais malgré toute cette magnificence, il y a bien d’autres choses sur Telis’ya. La vie s’y est développée et l’a envahie comme la mauvaise herbe détruit le plus beau des jardins – mais ici, le jardin parvient lui-même à contrer l’envahisseur.
D’innombrables races s’y sont développées, y ont vécu et y sont mortes. Même des peuples dotés de dons hors du commun n’y ont pas survécu. Cette planète, si l’on n’y prend pas garde, vous avale et vous dévore. Il suffit d’y vivre – même si le terme survivre est ici plus approprié – pendant une révolution solaire pour se rendre compte de la rudesse du climat. Mais Telis’ya semble être entrée dans une période faste de son existence. La vie se développe avec plus d’aisance, et c’est même l’espèce « civilisée » la plus faible qui la dirige.
Mais diriger Telis’ya ne signifie pas semer la mort pour y parvenir. Au cours de sa longue vie, cette planète a connu sept races dominantes. Elle en est donc à son Septième Âge, qui est vieux de 1599 ans. Selon la coutume, le passage d’un Âge au suivant est marqué par un changement hiérarchique au sein de la petite cellule sociale qui s’est créée sur Telis’ya, en général caractérisé par une forte augmentation de la population d’une race, surpassant alors celle de toutes les autres. Chacun de ces Sept a connu son peuple, il en a toujours été ainsi et il en sera toujours suivant cette voie.
Ce Septième Âge est celui des Hyven, un peuple en tous points semblable aux Hommes, tels vous et moi, et ils pourraient être nommés ainsi qu’aucune confusion ne serait possible – tout du moins, au début de cet Âge. L’unique facteur faisant que leur nom diffère du nôtre est leur religion, et – naturellement – le patrimoine qui en découle, leur appellation étant tirée d’un terme Keillin.
Ils vivent selon les préceptes d’anciens Elfes, les maîtres du Premier Âge, les Ceillinnzya. Leur Livre Sacré, l’Arezt’ellthan, explique le monde sous toutes ses coutures. Il est composé d’une encyclopédie très complète et d’innombrables paraboles moralisatrices. Tout y est expliqué, même le dangereux art de la guerre…
De tous temps, les Hyven l’ont faite, dès la naissance de leurs premiers royaumes. Il semble que pour eux, elle soit devenue un besoin, une soif qu’il faudrait étancher, une drogue…



03 – Division du temps


Seconde : Thinn.
Minute : Myre, divisée en soixante Thinn.
Heure : Ciyll, divisée en cent Myre de soixante Thinn.
Jour : Anuinn, divisée en quinze Ciyll de cent Myre.
Semaine : Vinaya, divisée en sept Anuinn de quinze Ciyll.
Mois : Ohnn, divisée en quatre Vinaya de sept Anuinn.
Année : Enha, divisée en quatorze Ohnn de quatre Vinaya.
Décennie : Wuraya, divisée en dix Enha de quatorze ohnn.
Siècle : Hungala, divisée en cent Enha de quatorze ohnn.
Millénaire : Klenha, divisée en mille énha de quatorze ohnn.

L’énha est divisée en quatorze ohnn ayant chacune un nom propre, ce qui risque d’apporter quelques petits problèmes de compréhension !
Première ohnn : Ars’ohnn, c’est le mois du froid. La chaleur commence à revenir sur Telis’ya à cette période de l’énha.
Deuxième ohnn : Raé’ohnn, c’est le mois du souvenir. Durant la deuxième vinaya, on célèbre tous les morts de l’énha passée.
Troisième ohnn : Fesh’ohnn, c’est le mois des fleurs. Les bourgeons explosent en pétales sur les arbres fruitiers.
Quatrième ohnn : Méh’ohnn, c’est le mois des feuilles. Le soleil brille plus haut et plus longtemps dans le ciel, les feuilles revigorent peu à peu les arbres.
Cinquième ohnn : Th’ohnn, c’est le mois des arbres. Ils recommencent à vivre normalement, quittant leur stupeur hivernale.
Sixième ohnn : Rau’ohnn, c’est le mois de la sortie. La chaleur est totalement revenue et toutes les créatures vivant sur Telis’ya sortent de leurs demeures pour reprendre le cours de leur vie.
Septième ohnn : Ah’ohnn, c’est le mois du jour. Les anuinn sont les plus longues de l’énha pendant cette ohnn et les deux suivantes, ensuite les journées redeviennent plus courtes que les nuits.
Huitième ohnn : Via’ohnn, c’est le mois du soleil, l’ohnn la plus chaude de l’énha. L’astre de lumière brille plus de dix ciyll par anuinn.
Neuvième ohnn : Bel’ohnn, c’est le mois de l’océan. Le lointain écho des vagues, au-dessus des gigantesques falaises continentales, résonne plus fort que durant le reste de l’énha.
Dixième ohnn : Fey’ohnn, c’est le mois de la nuit, elle recommence à dominer les journées. Ainsi elle dure parfois jusqu’à douze ciyll, même si cela devient très rare.
Onzième ohnn : Rai’ohnn, c’est le mois des feuilles tombantes. Les arbres quittent leur manteau vert laissant un tapis rougeoyant à leurs pieds.
Douzième ohnn : Mir’ohnn, c’est le mois de la nature en ruine. Les arbres ne sont plus que squelettes, les fleurs disparaissent, la vie s’arrête en dehors des villes.
Treizième ohnn : Kei’ohnn, c’est le mois de la neige. Telis’ya revêt son blanc manteau hivernal et plus rien ne bouge.
Quatorzième ohnn : Math’ohnn, c’est le mois des glaces. Le froid fend les pierres et tue ceux qui osent le défier. Il est souverain, et partout où il passe nul ne peut le détrôner.



04 – Le Keillin


Le Keillin est l’héritage que les Ceillinnzya ont cédé au monde. Un langage où tous les peuples peuvent puiser l’inspiration. Tous les prénoms et les noms de famille ont une traduction dans ce langage, il en est de même pour le nom des villes et des royaumes. Mais cet idiome possède une prononciation particulière, et pour ne pas faire de faute, il faut référencer les points sur lesquels cette langue et la nôtre divergent.
Tout d’abord, la règle des accents ainsi que celle du tréma sont appliquées. Peut-être est-il utile de rappeler cette dernière, ce signe indique qu’il faut prononcer séparément la voyelle qui précède celle qui porte le signe. Lorsqu’une voyelle est affublée d’un accent circonflexe, il suffit d’accentuer sa prononciation.
Le c se prononce comme un s, excepté dans le cas où il est doublé, il devient alors un k.
Le g se prononce gu dans tous les cas.
Le h est aspiré lorsqu’il est en début de mot ou après une consonne. Mais quand il suit une voyelle, il la prolonge, il se substitue alors au rôle de l’accent circonflexe.
Le sh se prononce ch dans tous les cas.
Le r a une prononciation à mi-chemin entre le r et le l. Ce n’est pas tout à fait un r roulé comme il l’est en espagnol mais il se rapprocherait plutôt de la prononciation japonaise.
Le th est souvent utilisé en Keillin, et il ne faut pas le prononcer comme un t, mais comme un s, mais un s plus sec. Pour parfaitement le prononcer, il faut placer la langue entre les dents, comme pour sa prononciation en anglais.
Le u se prononce ou dans tous les cas.
Le x se prononce comme un s dans tous les cas.
La dernière chose à savoir sur le Keillin est que toutes les lettres se prononcent. Lorsqu’un n ou un d se retrouve isolé en fin de mot, il faut quand même marquer leur présence par leur prononciation. Par exemple, le mot métan, qui signifie vrille, se prononce métane selon la règle énoncée plus haut, et celle-ci ne possède aucune exception pour la confirmer.



05 – Pourquoi la Guerre ?


Parfois des conflits naissent, causent nombre de morts, mais demeurent stériles, n’ayant pas atteint leur but. Ils ont au moins l’intelligence de mourir d’eux-mêmes. Mais certains s’enlisent dans une spirale infernale. Certains durent plusieurs hungala. Six hungala. Autant de temps pour apprécier la folie des hommes. Autant de temps sans réaliser quelle bêtise ils commettent. Autant de temps pour n’arriver à aucun résultat.
Mais qui fut l’instigateur de cette guerre séculaire ? Avait-il conscience de son avenir ou de celui de sa descendance ? Il est peu probable. Il se préoccupait principalement de sa propre vie. Mais il ne le fit pas avec une grande réussite…
Cet homme au destin funeste se nommait Thérig Und Abbras. Et bien qu’il n’ait pas agit dans la guerre, il a une très grande importance quant à l’apparition de celle-ci, et je vous laisse découvrir pourquoi…
Cet homme eut le malheur d’avoir deux jumeaux, deux Princes naissant au même instant, chacun refusant son statut de cadet.
Lorsque le Roi Thérig mourut, le pire arriva. Il n’avait pas donné le nom de son successeur, si bien que son œuvre, la puissante Soltané dut être divisée entre ses deux enfants.
En raison de leur arrogance, ils donnèrent chacun leur nom à leur nation, le Royaume de Karaynn s’étendant à l’Ouest, le Royaume de Laëgus prenant place à l’Est.
Le tournant fut radical et chargé de désespoir. Thérig était parvenu à plonger le monde qu’il s’était créé dans le chaos uniquement par le manque d’un mot, d’un nom. Mais à cette époque de séparation, le déclin n’était pas encore effectif, en 665.
Ensuite, il suffit d’avancer d’un peu plus de trois cents énha pour se retrouver en 989, là où la guerre fut déclarée.
Karaynn voulut réunifier les deux royaumes afin de recréer Soltané. Mais les pourparlers n’ont pas eut la portée escomptée et au final, la force fut employée.
Les batailles se sont succédées pendant près de trente-cinq énha avant qu’une paix ne soit signée. Mais l’esprit des hommes demeure aisément malléable, et lorsqu’une vieille rancune revient en surface, surtout quand elle envahit l’esprit d’un Roi, seule la vengeance par le sang peut laver le meurtre d’un million de civils. C’est le prix qu’a payé Karaynn pour voir les combats s’arrêter.
Le Roi Ibrahil, descendant de Laëgus, avait préféré attaquer des hommes, des femmes et des enfants sans défense afin de démontrer son pouvoir. Il avait au moins eut le mérite de proposer la paix par la suite.
Après s’être arrêtées en 1034, les hostilités reprirent de plus belle en 1088.
À peine la régence fut-elle finie en Karaynn que Salan, le jeune Roi de ce royaume, déclara la guerre une nouvelle fois. Mais cette fois-ci, plus d’interruption jusqu’à 1599, l’énha où se déroulera dans quelques pages l’histoire qui nous intéresse.
Durant la période de paix, Karaynn et Laëgus se sont vus fédéralisés communément à une entente entre les deux royaumes, chaque province les composant pouvant, entre autres choses, enfin lancer leur armée sans nécessiter l’approbation du Roi. Elles étaient dirigées par un Général qui obéissait aux ordres d’attaque ou de défense de son Seigneur.
Mais une fois les combats redevenus la seule préoccupation des Seigneurs et des Rois, ces mesures servant la protection, devint la voie la plus courte vers les massacres.
C’est comme cela qu’en 1234, suite à la Bataille de Kalahar, sept Généraux de Karaynn et Laëgus ont quitté les rangs, dégoûtés par les atrocités des combats. Ils créèrent alors une nation sans frontières ni peuple mais recrutant tous les combattants prêts à échanger leurs services contre de l’argent, en général provenant de la caisse noire des Royaumes lorsque ceux-ci se retrouvèrent, un beau jour, à cours de soldats. Cette nation prit pour appellation, Hassambahr, ce qui était aussi le nom que se donnèrent ses citoyens. Près de trois cent soixante énha après sa création, sa population atteignit trois millions de soldats ayant pour seul but de s’enrichir et d’enrichir ce peuple fabriqué de toute pièce pour le profit.
Puis, l’incident intervint en Karaynn, la naissance d’un Kreil. Cela se passa le 17 Kei’ohnn 1466.
Un Kreil est un Hyven naissant avec des pouvoirs occultes s’apparentant à la magie, mais il ne s’agit pas uniquement de cela, la couleur de leur peau change, se dirigeant dans la plupart des cas étudiés vers le rouge, le gris, le blanc, le bleu ou l’ocre. En grandissant, elle se durcit légèrement, son aspect devient pierreux et de solides plaques sombres apparaissent au niveau des articulations.
Les massacres se perpétuaient, suivant l’ordre établit durant plusieurs hungala sans qu’aucun camp n’ait montré le désire de déclarer la trêve. Mais en cette anuinn, le 24 Fey’ohnn 1599, la seconde ville de Laëgus, Kiltia, est attaquée par les armées de Karaynn. Comment arrêter la folie meurtrière de deux cent mille soldats ?


EDIT : Je suis heureux de découvrir qu'il n'existe pas de limites de caractères pour les messages. Ca me permettra de poster les parties composant les chapitres en un seul morceau.
Dernière modification par Arkiidoh le 26 févr. 2005 17:47, modifié 1 fois.

Swanny
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Messagepar Swanny » 25 févr. 2005 17:59

Je trouve ça excellent !!
Ton introduction est très complête, originale et tu vien d'inventer un monde avec son propre déroulement du temps, sa propre histoire sa façon de parler...
Faut le faire quand même...
Je pense que la il ne manque plus que la carte pour nous faire voir a quoi ressemble ce monde...
En tout cas j'attends la suite avec impatience :D

Arkiidoh
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Messagepar Arkiidoh » 25 févr. 2005 18:28

Pour la carte, j'ai une amie qui s'en charge, pour l'instant, elle à fait Laëgus au brouillon et elle va mettre ça au propre.
Elle est très douée!!!!


Bon, passons au Premier Chapitre :


Chapitre Premier : Les Fantômes du Passé


01 – La nuit où le fer chanta


Aucune étoile ne luisait dans le ciel nocturne, seule, une Lune écarlate le dominait. Ilgann le fixait pourtant de ses deux yeux bruns, comme il le faisait longuement chaque soir. Il aimait se plonger dans les étoiles, nager entre les constellations, se perdre au détour d’une nébuleuse. Mais cette nuit, elles semblaient toutes s’être cachées, effrayées peut-être ? Le rouge cendré dont s’était chargée la Lune leur avait peut-être donné la nausée !
Ce phénomène ne se répétait que trois anuinn par énha. Depuis la naissance de la planète, Telis’ya, les klenha s’étaient écoulées comme l’eau ruisselant sur la roche, de rares gouttelettes s’étaient attardées sur les hungala, inondant les wuraya et les énha, jusqu’à pénétrer à l’intérieur des fébriles ohnn et à s’infiltrer entre les anuinn, et malgré ces fluctuations incertaines du temps, ces trois anuinn restaient indubitablement accrochées à leur place dans l’énha : les vingt-deux, vingt-trois et vingt-quatre Fey’ohnn. Ces sombres nuits, selon la mythologie Keillin (la religion que la plupart des peuples polythéistes vivant sur Telis’ya s’étaient résolus à adopter, car considérée comme étant la plus complète de toutes et la plus riche en légendes enchanteresses), portaient pour nom : Feyrim selltahn o’agall, littéralement, les nuits de la lune solitaire.
Ce mythe relate l’histoire d’Efrolhm, le jeune Dieu des étoiles, fils de Nohyiann et de Rehya, Dieux, eux aussi. Il aimait se balader à la nuit tombée, admirant chacune de ses resplendissantes filles, et déambuler sur les terres de Telis’ya. Avec lui, les nuits semblaient moins vides. Il défilait chaque soir avec la même ardeur, ne vivant que pour admirer les étoiles, espérant que chaque journée s’écoule avec plus de hâte que son aînée. Cependant, le crépuscule du vingt-et-un Fey’ohnn vint avec trop de hâte...
Il y fit une mystérieuse rencontre : un jeune faon. L’animal était blessé à la patte postérieure gauche, si bien qu’elle l’empêchait de marcher à sa guise. Le Dieu s’approcha, arborant sa bienveillance paternelle et se pencha sur lui pour le soigner. Celui-ci prit peur et eut un mouvement de recul avant de se remettre sur ses longues pattes, ses blessures effacées. Il sembla grandir alors, se redressant lentement sur ses pattes arrière. Ses antérieures se transformant en bras, son museau s’allongeant, sa poitrine se musclant généreusement, sa fourrure devenant écailles, sa gueule se gorgeant de crocs acérés. À cet instant, Efrolhm sentit une profonde douleur se répandre dans tout son corps. Il détermina avec peine sa provenance… son épaule gauche. Un engourdissement perpétuel l’encadrait et l’enserrait. Toujours plus pressant. Et cette affreuse sensation de chaleur poisseuse coulant sur son torse qui se faisait plus grande… Du sang ! Ses vêtements étaient maculés de sang ! La panique le saisit alors. Mais il ne pouvait bouger pour échapper à cette force invisible qui l’écrasait.
Il réalisa avec peine ce qui venait de se passer. Il se souvint avoir cligner des paupières, puis plus rien, plus rien exceptée la douleur… Un souffle chaud, projeté sur son cou, lui fit reprendre ses esprits. Il posa les yeux sur son épaule meurtrie et distingua alors l’énorme mâchoire du monstre à travers le filet de vapeur qui s’échappait d’entre ses canines. Tout devint clair. L’immonde créature s’était jetée sur lui, la gueule béante. Ses crocs s’étaient logés dans la chair Divine, la déchiquetant en lambeaux s’écrasant, sanglants, sur le sol. Il parvint finalement à repousser la bête et au petit matin, au prix d’un éprouvant combat, à la tuer.
Loin de tout, entre la vie et la mort, il marcha longuement, traversant monts et vaux, s’attardant dans le lit d’une rivière asséchée, utilisant ses dernières forces pour franchir un profond ravin. Il avait espéré rencontrer quelqu’un durant cette journée. Il ne vit personne. Il s’arrêta dans une clairière à la tombée de la nuit, sa douleur s’intensifiant à chaque instant. Son bras gauche avait presque été arraché lors de l’agression de la bête. La blessure s’était infectée et commençait déjà à répandre dans l’air la pestilentielle odeur de la mort.
Les premières étoiles brillèrent très vite dans le ciel. Bercé par leur lueur, une idée lui vint comme une évidence : il allait utiliser la force protectrice de ses filles pour atténuer sa douleur durant la nuit. Elles s’éteignirent une à une, chacune prêtant un peu de sa force à leur père.
Aucune d’elles ne s’était soustraite à cette tâche, et malgré cela, les souffrances continuèrent, avec pour seul témoin de l’agonie d’Efrolhm, la Lune.
Au petit matin, il se remit en marche, traînant le pas. Le mal grandissait. Le Dieu serrait les dents. Il n’était pas immortel comme ses parents. Il savait que la mort pouvait le cueillir à tout moment. La vie éternelle n’était accordée qu’à très peu de Divins, et seuls ceux-là régnaient.
Une longue journée suivit. Le soleil sembla être à son zénith de l’aube jusqu’au crépuscule, baignant la blessure de sa chaleur mortelle. Quelques minutes suffirent au déclin de la lumière, transportant le Dieu des brûlantes plaines ensoleillées aux glaciales clairières sélénites. La nuit semblait arriver telle une douce délivrance. C’était le soir du vingt-trois Fey’ohnn. Il s’arrêta de nouveau lorsque ses premières filles firent scintiller leurs parures d’or. Il les éteignit une à une. Mais ce soir, la douleur ne s’envolait pas le moins du monde. Quel doux placebo que la lueur des étoiles ! L’obscurité installée fut sans repos. Et la lumière revenue fut épuisante. Une succession de pas ne menant nulle part. Le bras gauche tuméfié. La main droite posée machinalement dessus. Objectif à demi avoué de cette manœuvre : l’empêcher de s’écraser sur le sol.
Le crépuscule vint enfin. La délivrance. Il s’assit, attendant la venue des étoiles, unique moyen de leur voler leur chaleur. Il n’avait pas dormi depuis son combat contre la bête et pourtant le sommeil ne venait pas. Sa fatigue avait pourtant augmenté. Il ne comprenait pas. Il attendait que le temps passe. Il attendait que le sommeil éternel le libère. Il s’allongea sur le dos et fixa la Lune. Elle rougit, comme si elle fut gênée par le regard inquisiteur du Dieu à l’agonie.
L’aube vint tôt cette anuinn-là : le vingt-cinq Fey’ohnn, plongeant le Dieu dans un bain de lueur Divine. Il s’était éteint durant la nuit, ranimant toutes ses filles. La nouvelle de sa mort atteignit bientôt les oreilles de ses parents qui vinrent chercher la dépouille de leur fils chéri, laissant toutes les étoiles orphelines. La Lune écarlate était la seule à savoir ce qui s’était passé. Elle avait tout raconté de ces trois nuits solitaires. Elle était devenue le témoin d’un mythe, et elle le serait de bien d’autres, il lui suffirait de patienter. Toutes ses sages paroles furent consignées afin que personne ne les oublie. Le monde devait se souvenir que la beauté et l’apparente faiblesse peuvent parfois être traîtresses. Les plaies ouvertes ne se referment pas toujours…
Depuis lors, les nuits du vingt-deux, vingt-trois et vingt-quatre Fey’ohnn furent surnommées : Feyrim selltahn o’agall. La coutume voulait que l’on sacrifiasse un faon la nuit du vingt-et-un, mais elle se perdit au cours du temps, effacée…

Ilgann connaissait cette histoire sur le bout des doigts. Il se la récitait à cette époque, à chaque Révolution. Chaque lettre, chaque virgule demeurait à sa place. Il n’oubliait jamais rien. Sa mémoire auditive parfaite et sa capacité de reconstitution des oublis par déduction travaillaient pour lui. Il n’avait aucun effort à fournir, tout lui était inné.
Sa mère la lui avait contée pour l’endormir alors qu’il n’était âgé que de quatre énha, même si ce récit mythologique ne convient pas parfaitement à un jeune enfant ! Ilgann se souvenait encore du sentiment qui l’avait submergé quand il avait pris conscience de l’attaque du monstre : de l’horreur mêlée d’excitation… Ensuite, il s’était ennuyé jusqu’à la fin – pourtant, elle est intéressante cette histoire… non ?
Il y avait réfléchi par la suite, et sans jamais poser de questions à aucun de ses parents, s’était rendu compte de la réalité de cette histoire : elle était tout à fait vraisemblable. C’était ça le plus effrayant… En dehors du fait que la victime fût un Dieu, cette mésaventure aurait pu arriver à n’importe qui. Le monstre qui l’avait blessé, quant à sa forme finale, pouvait exister sur ce monde. Les créatures changeuses de forme étaient légions sur Telis’ya, et une d’elle ressemblait parfaitement à la description que lui avait faite sa mère, la race des ékaérol : de gigantesques lézards à gueule de loup se mouvant sur deux pattes.
Ilgann ne dissimulait jamais qu’il était féru d’astronomie et il adorait nommer les étoiles à chacune des visites nocturnes que faisaient parfois certains citadins venus acheter du bétail à Méék’an, son père, et son érudition lui vouait irrémédiablement des félicitations à chaque fois. C’était cette même passion qui le faisait espérer à chaque énha que ses amies d’or et d’argent se montrent. Mais jamais aucune n’avait daigné répondre à son souhait. Pourtant, c’était son anniversaire, la vingt-quatrième anuinn de Fey’ohnn, le ciel aurait pu faire un effort !

Ilgann se tenait debout, avec son père, Méék’an, face à l’est. Il scrutait l’horizon, là où le ciel dévore la terre. Mais il n’y avait rien à voir, rien, à part le désert. Des milliards de milliards de grains de sable immobiles, attendant, calmement, que le vent ou qu’un insecte vienne les tirer de leur torpeur. Des grains de sable sans aucune volonté ni prise sur leur destin, dépendants de bien des facteurs qui s’additionnaient ou se soustrayaient mutuellement et qui déterminaient les mouvements du plus petit d’entre eux, de la plus infime poussière. Ilgann était comme ça, il aimait les plaisirs simples : laisser voyager son esprit entre les astres, perdre son regard à l’horizon. Il réfléchissait longuement sur des choses inutiles au bon déroulement de sa vie, mais essentielles à l’éveil de son esprit – essayez de vivre pour la compréhension de toutes choses et non pour l’acquisition et l’utilisation de celles-ci est le meilleur cadeau que vous puissiez faire aux inventeurs qui vous facilitent la vie !
Ilgann vivait avec ses parents et sa petite sœur dans une zone isolée, à la périphérie d’Aharlonn, la cité du désert. Ils habitaient une petite ferme formée de deux parties : l’une était habitable, l’autre, une sorte de fourre-tout. Tout était construit en bois (à l’extérieur en tout cas), c’était à la fois moins coûteux et plus utile que n’importe quel autre matériau – ou du moins, c’est ce qu’on avait coutume de dire. Le soleil avait pour habitude de répandre sa mortelle chaleur dans cette région, ce qui rendait les rares zones cultivables inutilisables. En conséquence, la ferme leur servait pour l’élevage et donc, d’écurie où était entreposée le bétail. Il était gardé sur deux immenses étages pouvant contenir jusqu’à cent cinquante têtes. On pouvait les classer en trois catégories, en l’occurrence, trois races d’herbivore du désert.
La première, les meickall, de gigantesques antilopes brunes dépourvues de cornes et atteignant aisément deux mètres au garrot, était celle qu’ils élevaient en plus grand nombre. La viande de cet animal se vend à prix d’or car très peu de personnes possèdent le courage et la patience pour les élever. La cause de cette réticence chez les éleveurs vient du fait que la viande de meickall ne devient consommable que lorsqu’ils atteignent la « majorité », à dix-neuf énha. Mais une fois cet âge atteint, ils deviennent bien plus utiles puisqu’il n’est nul besoin de les abattre pour récupérer leur viande. Ces animaux possèdent un don qui leur permet de régénérer leurs muscles et leurs organes lorsque ceux-ci sont endommagés ou détruits, ainsi, ils survivent même après le prélèvement de leurs abats et les reforment à l’infini. Cet animal est de ceux qui permettent d’éviter à un peuple entier de périr à cause d’une famine. Cependant même avec les excellents bénéfices procurés par la vente de viande, la famille d’Ilgann ne roulait pas sur l’or – loin de là –, elle devait dépenser la plupart de l’argent récolté pour acheter de la nourriture pour toutes leurs autres bêtes.
La seconde, les sythar’h, de grands chevaux blancs dotés d’ailes immaculées, est une race qu’ils possédaient pour le plaisir, elle n’a aucune véritable utilité, sa viande ne se vendant pas cher, n’ayant pas bon goût. Ils ne se laissent monter que par des personnes avec qui ils ont vécu plusieurs énha, mais une fois l’acclimatation faite, ils ne rechignent pas une petite ballade avec leur maître sur le dos. Cet animal ne devient utile que lors des travaux de recherches, grâce à ses puissantes ailes, il peut monter très haut dans le ciel et avec son excellente vue, repérer aisément les personnes disparues. Ils ont déjà permis de sauver des milliers de personnes. Ils sont également dotés du don de télépathie, ce qui leur permet de communiquer avec leurs maîtres.
La troisième et dernière, les kaitos, de petites vaches rondelettes possédant deux grandes cornes plates sur le front, était celle qui bénéficiait la plus grande utilité, d’abord, son lait est très nourrissant, puis sa viande est exquise et enfin, le plus important, elle peut détecter des sources d’eau grâce à ses cornes. Lorsqu’un liquide, peu importe lequel, est près de l’animal, ses cornes, aussi appelées trhéane, se rapprochent et lorsqu’elles se rejoignent, cela signifie que ce dit liquide est exactement sous le kaitos. La maison d’Ilgann était d’ailleurs bâtie près d’un puit trouvé par une de ces vaches.

La mère d’Ilgann, Mayal, et sa sœur, Mirah, étaient déjà endormies. Lui était resté là, sur les lattes en bois de sa « terrasse » – ça ressemblait plus à des planches de bois positionnées les unes à coté des autres, mais il l’appelait de cette façon : terrasse. Une douce brise soufflait, chargée d’une flaveur sucrée envahissant les poumons, faisant le tour des veines, emplissant le cœur d’une énergie nouvelle et éveillant tous les sens. Ilgann perdait son regard à l’est, dans l’étendue blanche du désert endormi. Son père, quant à lui, le fixait.
Le temps avait passé depuis que le reste de la petite famille était allé se coucher. Une ciyll et douze myre pour être précis. N’allons pas jusqu’aux thinn, elles sont totalement indéterminables la nuit sur Telis’ya, et même durant la journée peu de gens peuvent les calculer, ce n’est pas que le trajet du soleil dans le ciel ne suive aucune logique, mais c’est plutôt le manque d’instruments permettant de les mesurer avec précision.
Depuis qu’on les avait laissés seuls, ils n’avaient échangé aucun mot. Ilgann n’aimait pas être avec son père, ou du moins son beau-père. Son vrai père, Leg’ay, avait disparu cinq Révolutions auparavant, pendant la guerre, Ilgann n’était âgé que de sept énha à l’époque. Les six ohnn qui suivirent sa mort, Ilgann déprima, ne faisant que pleurer, ne mangeant presque plus. Et même après l’arrivée de Méék’an à la ferme, il ne souriait toujours pas. Méék’an savait pertinemment que remplacer Leg’ay serait difficile mais il avait tout fait pour : il avait aimé Mayal de tout son cœur, lui avait donné un enfant, Mirah, qu’Ilgann adorait par ailleurs. Elle était même la personne qui comptait le plus au monde pour lui. Il jouait avec elle dès qu’il le pouvait… Mais depuis quelques temps, il s’était remis à pleurer. Méék’an eut alors l’idée d’initier son « écuyer », comme il aimait appeler son fils adoptif, à l’art du combat à l’épée. Il avait autrefois été un très grand hassambahr et un maître d’arme respecté. Ilgann accepta, croyant qu’il pourrait devenir plus fort et retrouver les assassins de son père afin de le venger.
Les leçons recommençaient ce soir-là et il était très impatient de parfaire ses compétences.
« Ilgann, tu peux aller me chercher les épées, s’il te plaît ? » dit Méék’an usant de sa douce voix habituelle.
« Encore les épées en bois, j’en ai mar… » dit le jeune garçon avec dépit avant que son père ne le coupe dans sa phrase.
« Non, on passe au fer ce soir. »
« C’est vrai ? » demanda Ilgann, les yeux emplis de joie, il avait tant attendu cet instant qu’il avait perdu l’espoir que Méék’an lui dise un jour : On passe au fer ce soir. Ces mots résonnaient dans son esprit. Il restait là, absent, tentant de discerner le vrai du faux dans les paroles de son père, mais tout était vrai, il allait se battre, avec une vraie épée.
« Puisque je te le dis » répondit Méék’an le sourire aux lèvres.
Il aimait voir son fils comme ça : souriant, plein d’entrain. C’était l’image qu’il voulait voir de cet enfant, quelqu’un de fort et d’audacieux qui n’aurait peur de rien. Il ne l’avait que trop vu pleurer et cette vision l’avait désespéré au plus haut point, il s’était juré de le rendre plus fort pour que plus une seule larme inutile ne vienne tracer de sillon sur ses joues déjà marquées.
Ilgann courut jusque dans l’écurie. Près de l’entrée était posée une grande malle en chêne massif. Il saisit les clefs. Elles étaient accrochées à un clou planté sur un des piliers en bois maintenant l’écurie sur pieds. C’était lui qui les avait installées ainsi, le plus près possible de cette grosse boîte. Ilgann n’aimait pas faire de mouvements inutiles, il ne voulait pas devoir retourner à chaque fois dans la maison pour chercher ces clefs. Il avait toujours détesté ce qui avait attrait à la marche ou à la course… et il méprisait les vieillards qui préféraient cela à leurs habituelles chaises en ronce de noyer dans leurs grandes cuisines reflétant l’or et le platine et qui regardaient à travers leurs rideaux de soie les mendiants dans les rues, les enfants cherchant désespérément quelque chose à grignoter pour ne pas mourir de faim, cherchant un toit où passer la nuit et ne sachant pas s’ils se réveilleraient le lendemain matin ou s’ils seraient morts, emportés pas le froid déchirant du désert noir. Ils les méprisaient, les vieux. Ils croyaient tout savoir, mais ne connaissaient rien… rien de la faiblesse, de la peur… de la peur de mourir. Ils étaient riches, leur âge le prouvait. À Aharlonn, bien rares étaient ceux qui dépassaient la cinquantaine sans argent… sans beaucoup d’argent. Mais au lieu d’en faire profiter les autres et de sauver ceux qui pouvaient encore l’être, ils le gardaient comme si leur vie en dépendait – c’était le cas, mais bon, il faut savoir faire un minimum des concessions ! Tous ces vieux riches étaient les pires avares que l’Enfer avait rejetés. Il ne voulait pas les garder, ils étaient trop mauvais. Des monstres, irrécupérables. Transformés par leur argent et leur envie d’en gagner encore et toujours plus. Des sadiques se délectant de la misère des autres, ne respectant pas la moindre règle d’éthique et de savoir vivre. Des pervers assoiffés de pauvreté et ne la voulant que servie sur un plateau d’argent… – mais quittons là les états d’âme d’Ilgann et revenons-en à ce qui nous intéresse vraiment.
Il adorait venir contempler les lames, il les connaissait par coeur. Elles dessinaient des courbes superbes, une harmonie de délicatesse et de dureté. De splendides runes avaient été gravées sur l’acier. Ces inscriptions correspondaient à leur nom : Fraïrr, Hortal, Sisaynn et Vartakh. Chaque nom était suivi d’une courte phrase, chacune en rapport avec la personne dont elle faisait référence. Fraïrr, puisse ta force protéger l’écuyer au cœur d’acier. Hortal, le tranchant de ta lame n’avait d’égal que celui de tes mots. Sisaynn, puisses-tu briller aussi fort que la rage qui te consume et t’emporte. Vartakh, ton souvenir éclairera longtemps encore le chemin de nos fils. Suivant chacune de ces phrases, était gravé en langage commun : A mon frère bien aimé qui longtemps a brillé et qui brillera aussi longtemps que son souvenir ne me laissera pas orphelin. Toutes ces armes appartenaient à Méék’an… Tous, ses quatre frères avaient péris, avalés par la guerre. Méék’an était le seul survivant. Il n’avait plus de famille : sa mère avait été emportée par le chagrin quand ils avaient disparu. Son père, quant à lui, noyé par la tristesse, était parti chasser au nord de Kiltia un beau jour d’été… On ne le retrouva que trois anuinn plus tard à demi dévoré par un orïha, une sorte de gigantesque loup au corps recouvert d’écailles.
Il ouvrit l’énorme étui et avec la plus grande précaution, en sortit deux épées avec leur fourreau. Il les déposa sur le sol, referma la malle, replaça les clefs à leur clou, et serra les deux armes entre ses bras, fort contre sa poitrine. Il se releva, passant de la position à genoux à la position debout, sans user de ses mains, usant de l’agilité féline des Elfes, celle-là même enseignée par sa mère. Il sortit de la grange et revint vers Méék’an en courant. Les poignées venaient lui caresser les joues à chaque foulée, il sentait la douce flaveur du chêne lui brouiller l’esprit, l’enivrer. Il n’entendait plus rien, Ilgann, rien à part un vague écho, Ilgann, une voix sortie de sa réalité, Ilgann, un son étouffé par l’odeur, Ilgann, ILGANN. La voix avait crié.
« ILGANN, que t’ai-je répété mille fois ? » rugit Méék’an, furieux.
« Euh… je sais pas moi » répondit Ilgann, ses yeux roulant dans leurs orbites, essayant de deviner ce qu’il aurait encore pu faire de mal.
« Je vais te le dire encore une fois alors : Ne cours pas quand tu as un objet tranchant entre les mains. C’est compris ? » dit-il sur un ton encore plus menaçant.
« Mais elles sont dans leur fourreau, et elles sont pas tranchantes tes épées j’suis sûr » tenta fébrilement d’argumenter Ilgann.
« Très bien, donne m’en une et tu verras si elles sont tranchantes ou pas mes épées. » Son ton était dur, affûté, comme s’il s’était répété mille fois cette réplique dans son esprit. Il n’avait pas apprécié qu’Ilgann lui dise cela, c’était un peu comme insulter ses frères…
Le jeune garçon lui proposa la plus lourde. Méék’an la lui arracha des mains puis marcha sur une vingtaine de mètres, jusqu’à l’endroit où il avait pour habitude de couper le bois. Il laissait de profondes empreintes dans le désert, soulevait des petits nuages de poussière à chaque pas. Il déposa l’arme au sol, de nouveaux grains volèrent, choisit une bûche et la plaça sur un socle en pierre pour éviter qu’elle ne tombe. Il finit son mouvement en saisissant une hache. Il donna un grand coup dans le bois mais le métal demeura figé à l’intérieur.
« Tu vois ce que donne une hache ? » demanda Méék’an, semblant fier du résultat.
« Oui, et c’est pas fameux ! » s’empressa de lui répondre Ilgann avec une pointe d’ironie dans la voix.
« Très bien, et maintenant avec une épée. » Sa voix virevoltait, il semblait proche de son but. Il arborait un large sourire. A cet instant, il pensa : Je vais lui montrer à quel point il se trompe sur « mes frères »...
Il plaça alors un autre rondin, prit le fourreau de l’épée dans sa main gauche, saisit la garde avec sa main droite et retira la lame. Il positionna son bras, tendu, au-dessus de sa tête et donna un coup si vif qu’il ne sembla bouger de sa place initiale.
« Alors, ne sont-elles pas tranchantes mes épées ? »
« T’as pas encore bougé » dit Ilgann. « Tu veux que je te réponde qu… »
A cet instant précis, le vent souffla plus fort sur le désert, jusque sur la bûche, la scindant alors en deux parties qui s’écrasèrent sur le sol.
« Ouah, trop… trop fort ! Dis, tu m’apprendras à le faire, ça ? » La voix d’Ilgann brillait d’une énergie nouvelle. De l’admiration couplée à la peur… La peur de rencontrer un jour un tel adversaire… La peur qu’un jour cet allié ne s’en aille, ne soit plus là pour le protéger…
« C’est quoi le mot magique ? »
« S’il te plait. Dis oui, allez, dis oui » répondit Ilgann d’un ton tellement joyeux que Méék’an en oublia l’épisode avec les épées portées en courant.
« Evidemment que je vais t’apprendre, t’es là pour ça de toute façon. Mais il va falloir que tu t’entraînes dur pour bien savoir te battre. »
Méék’an ne regardait plus Ilgann, il regardait plus loin, là où personne ne pouvait le suivre. Sa perception sensorielle dépassait de beaucoup celle de la plupart des personnes. Ilgann n’en avait pas encore conscience, mais son beau-père n’était pas le seul qui possédait ce don, et d’ailleurs, ce n’était pas chez lui qu’il était le plus développé, ce n’était qu’une résultante d’une action externe. Sa mère, son vrai père, tous les deux des…
« Je sais déjà bien me battre. À l’école, c’est moi le meilleur pour le maniement de l’épée, j’suis même meilleur que le prof. Alors lui, je l’étale à chaque fois » dit Ilgann en riant, une expression d’orgueil transformant les traits de son visage... Elle fut effacée instantanément…
« C’est normal que tu battes tout le monde, c’est moi qui t’aie enseigné les bases, si tu perdais contre eux, ça ne voudrait dire qu’une chose : tu es mauvais. » Son ton s’était durcit. Il ne regardait toujours pas son fils et celui-ci l’avait remarqué. Il avait levé les yeux vers son père. Puis, intrigué, il se retourna d’un seul coup, pour regarder ce qu’il avait peine à distinguer.
Un épais nuage de poussière se dessinait à l’horizon, il pouvait apercevoir une vingtaine de silhouettes, mais certaines semblaient être en retrait. Il regarda de nouveau son père. Il ne semblait pas inquiet. Une pensée traversa alors l’esprit du jeune garçon. Et s’il ne voyait pas ce que je vois. Ils sont loin, c’est possible qu’il ne les ait pas vus. Dois-je lui dire ? Et moi, comment ai-je fait pour les voir… C’est sans importance, il n’y a pas à s’inquiéter, il est plus fort qu’eux, peu importe leurs noms.
Ilgann prit l’arme la plus légère, la déchargea de son enveloppe de bronze sculpté, et avec elle, visa la gorge de Méék’an en disant :
« Je vous défie et je vais vous vaincre. Par la lame que je porte entre mes mains, je le jure. »
« Vous êtes bien confiant, jeune enfant, mais pour moi vous ne savez pas vous battre. » Son ton était cassant, il sentit immédiatement qu’il avait atteint son but : toucher son fils en plein cœur.
Ilgann se rua vers son « ennemi » et lui porta un violent coup à la tête, tenant l’épée à deux mains… Mais Méék’an stoppa l’attaque net en saisissant la lame avec sa main gauche, entre l’index et le majeur.
« J’en étais sûr, il n’y a que la tienne à être tranchante. Tu t’es moqué de moi. Mais c’est pas grave, je te battrai quand même. »
« Ilgann, arrête ce jeu. » Le regard de Méék’an devint meurtrier, il sembla grandir alors que la lueur de la lune faisait naître un reflet rougeoyant sur ses iris bruns.
« Hein, quel jeu ? »
« Ne considère pas tes alliés comme des ennemis ou alors tu ne feras jamais confiance à personne. »
Le massacre venait de commencer… Méék’an venait d’assassiner son fils en seulement deux phrases !
« Mais je plaisantais… » répondit-il, murmurant presque.
« Et si je t’avais considéré comme un ennemi ? Tu serais mort à l’heure qu’il est. Ne choisis surtout pas tes ennemis en raison de leur façon d’être ou de leur apparence, mais fis-toi plutôt à ton instinct, et quand je te l’aurai enseigné, tu pourras juger de la force de ton adversaire en un seul regard. Et un dernier conseil… » Sa voix s’était soudain radoucie.
« Quoi? » dit Ilgann en levant les yeux sur Méék’an.
« Ne défie jamais un plus fort que toi, rappelle-t-en. Allez, maintenant, on repasse à l’entraînement. »

Le fer chantait sous les coups d’Ilgann, Méék’an ne l’attaquait pas, il ne faisait que contrer ou esquiver les assauts, si bien qu’Ilgann avait du mal à le suivre des yeux. Il était très doué pour son âge, mais être doué ne suffit pas. Une fois en face de la mort, même les génies peuvent perdre leurs moyens...
Ilgann tendit son bras devant lui pour toucher Méék’an, mais celui-ci évita encore, pirouettant sans cesse, son épée voltigeant en sifflant dans l’air. Ilgann donna un coup circulaire vers la droite mais ne toucha rien, il fit de même vers la gauche, mais sa cible semblait avoir disparue. Il sentit alors une douce chaleur sur sa nuque, la main de son beau-père, disant à l’oreille dans un murmure :
« Tu t’es beaucoup amélioré, mais ce sera tout pour ce soir, nous allons nous coucher maintenant. »
« Mais je veux encore m’entraîner moi » dit le jeune garçon d’une voix dominée par la déception.
« T’inquiètes pas ! Demain, on continuera. » Sa phrase mourut dans un souffle. Il était presque soulagé d’avoir trouver un moyen pour envoyer Ilgann au lit. D’habitude il ne pouvait pas l’arrêter et le fils finissait par fatiguer le père.
Ilgann regarda son beau-père, à cet instant il souriait, ses deux yeux bruns reflétaient la pâle lueur de la lune, ses cheveux blonds lui happaient la moitié du visage, une longue cicatrice courait sur sa joue gauche. Il était penché sur lui. Il semblait être un ange.
« D’accord, mais je veux qu’on aille à Aharlonn me prendre une nouvelle épée. »
« Pourquoi ? Elles sont très bien les miennes » répondit Méék’an, indigné.
« Elles sont pas assez tranchantes et puis, c’est mon anniversaire, j’ai aussi le droit à un cadeau » lui répondit Ilgann.
« Elles sont parfaitement tranchantes. Mais si c’est une épée que tu veux comme cadeau, alors tu en auras une. Je veux bien qu’on aille faire un tour en ville pour t’en acheter une. Allez, on rentre maintenant. Une bonne nuit de sommeil nous fera le plus grand bien. »
Méék’an scruta une dernière fois l’horizon, à l’est, il vit alors se dessiner, pour la première fois depuis le début de la soirée, là où le ciel rejoint la terre, une épaisse colonne de poussière née du contact des sabots sur le sable tranquille du désert.



Et oui, c'est tout de suite beaucoup plus long, ce premier chapitre est composé de 5 parties qui arriveront plus tard
(sachant que j'ai plus que la 5ème partie à écrire)
Dernière modification par Arkiidoh le 26 févr. 2005 14:12, modifié 1 fois.
Quand on voit les dégats que font les pigeons, on est en droit de bénir la nature pour ne pas avoir donné d'ailes aux vaches...
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nainfou182
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Messagepar nainfou182 » 26 févr. 2005 10:39

trop bien, bravo, tu est très doué. fait vite la suite. Encore bravo.
la taille ne fait pas la force

Arkiidoh
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Messagepar Arkiidoh » 26 févr. 2005 14:14

Merci pour les compliments, ça me fait très plaisir.
Je pense que je posterai la suite demain...
Quand on voit les dégats que font les pigeons, on est en droit de bénir la nature pour ne pas avoir donné d'ailes aux vaches...
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Arkiidoh
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Messagepar Arkiidoh » 27 févr. 2005 13:11

Voilà la suite...



02 – La fierté d’un homme


Une troupe de vingt cavaliers avançait au galop, soulevant un épais nuage de sable cachant toutes traces de leur passage en retombant sur le sol. Ils avaient appris à faire cela très jeunes, c’était devenu pour eux aussi naturel que de marcher. Ils contrôlaient les mouvements de leurs montures comme s’ils étaient les leurs. Une succession de pressions et de tractions, précisément calculées par leurs fins esprits d’interprétation et d’anticipation, sur les rênes afin que leurs chevaux posent leurs sabots sur le sol de telle façon que la plupart des grains retombent en cachant les empreintes, le reste finissant sa course sur les habits des cavaliers.
Un homme en habits noirs – devenus presque ocres – semblait les mener, bien qu’il était en fin de convoi. Son cheval était très grand, sa robe, alezane. Sa crinière dansait sur sa nuque comme si des flammes dévoraient l’animal. L’homme était encapuchonné, tant et si bien que son visage demeurait invisible, il semblait que cela était voulu. Aucun des autres cavaliers ne se risquait à poser ses yeux curieux sur le Chef, de peur que celui-ci ne les surprenne, ils connaissaient tous ses sautes d’humeur et les redoutaient comme la peste. Mais malgré la forte tension, le groupe se mouvait avec une grande célérité, rien ni personne ne semblait en mesure de les arrêter. Ils avalaient les mètres les uns après les autres avec la même facilité que le vent soufflant dans les arbres, légers et souverains. Les dunes défilaient avec un débit terrifiant devant leurs yeux plissés par la vitesse. Les grains de sable virevoltaient, animés par le métronome des sabots sur le sol nu du désert. Les hommes plaquaient leurs poitrines contre leurs selles, décalant leurs têtes à certains moments, d’un coté ou de l’autre sur le flanc de leurs chevaux pour voir où ceux-ci les portaient. Cependant, ils auraient pu changer de cap que personne ne s’en serait aperçu : à l’horizon, rien à part du sable et tout plat en plus, pas un seul point de repère, rien.
Un son rauque jaillit alors du néant, il fut suivit de quelques autres. Personne n’y porta la moindre attention, trop occupés à tenter de discerner si la direction que suivaient leurs chevaux était la bonne. Ils se répétèrent, plus fort cette fois. Rien. Encore une fois, mais s’intensifiant d’avantage, couvrant aisément le son des sabots. Tous relevèrent la tête, mais personne n’avait compris. Du moins pas de mots, mais une intention dans la voix. Et elle leur glaçait le sang. C’était leur Chef, il fermait la marche. Ils avaient senti de la colère dans son ton… non, de la haine. Aucun n’osait se retourner, de peur de croiser ses yeux, des yeux brûlant d’une lueur infernale, leur inattention les avait allumés et ce n’était pas le pauvre tissu recouvrant son visage qui aurait pu les contenir. Il répéta alors ce qu’il venait de dire avec une voix toute aussi rocailleuse, mais plus posée et docile :
« Vous savez ce que vous avez à faire ? Il est inutile que je le répète ? » Il savait à présent qu’il pouvait recueillir leur parfaite attention. Il les avait éveillés. Mais peut-être que le réveil fut trop brutal…
« Tu nous prends pour des débiles ou quoi ? » lui répondit un grand homme aux larges épaules avec exaspération… grossière erreur. Il regretta immédiatement ces mots.
Le cheval alezan s’arrêta net et l’homme à la voix rauque dit en voyant le convoi ralentir :
« Ne vous arrêtez pas, allez jusqu’à la ferme, et une fois là-bas, exécutez… le plan. »
« D’accord Chef, je les conduirai, ne vous inquiétez pas » dit le plus jeune du groupe, en accélérant la cadence.

Il y eut un mouvement de flottement dans le désert. Le grand homme ne savait pas s’il devait rester, en vue d’un châtiment certain ou alors fuir, la queue entre les jambes comme un loup ayant désobéi au mâle dominant. Il tapa de ses bottes les flancs de sa monture, elle tressaillit et s’élança, mais fut fauchée en plein vol…
« Par contre, toi, tu restes ici, tu m’as répondu devant eux, tu vas devoir en subir les conséquences. » La force dans la voix désarma le fautif. Ses yeux s’enfoncèrent dans leurs orbites. Sa mâchoire se crispa. Ses mains devinrent moites.
« Mais, Mérann, c’était au moins la quinzième fois que tu nous le répétais… » La différence dans son ton fut foudroyante. Ce n’était plus de l’exaspération, mais de la terreur. Une force invisible le fit descendre de son cheval. Il ne s’en aperçut même pas. Son pied droit en touchant le sol fit un bruit sourd qui le réveilla. Il réalisa que son esprit venait d’avoir été brouillé. Il se souvenait avoir poser son regard sur Mérann et de rien d’autre… Peut-être ces deux yeux infernaux…
« Sors ton arme. » Sa voix résonna comme une note sortie d’un orgue : viscérale et adamantine.
« Mais, Mérann, tu exagères pour un si petit truc… » Il se recroquevilla, sa tête était penchée vers le sol, ses mains jointes trahissaient sa peur. Il semblait prier… Non, il priait pour la dernière fois !
« SORS TON ARME » hurla-t-il.
« D’accord… si tu tiens à mourir, ne crois pas que j’ai peur de toi. Tu as arrêté de m’effrayer il y a bien longtemps… » Il avait relevé la tête et arborait un large sourire désormais. Il semblait avoir de nouveau confiance en ses chances. Après tout, si je fais partie du groupe, c’est parce que je suis fort. Je n’ai pas à avoir peur de ce vieillard. Et puis, on ne l’a jamais vu se battre. Peut-être n’est-ce qu’un pauvre vieux fou à qui on aurait donné les rênes d’un traîneau conduit par des loups enragés. En fait, il n’a absolument aucun talent.
« Pourquoi me dis-tu ça alors. Si tu te sens obligé de te le répéter, c’est que tu n’y crois pas vraiment… » La confiance du grand homme venait de s’effacer de son visage. « Tu es faible Tarall, et ce soir ton impudence et ta faiblesse t’ont tué en disant ces mots. »
Mérann enleva son voile. Son interlocuteur eut un mouvement de recul…
« Ton… ton visage… » Il avait peine à déglutir. Ses pensées ne s’agençaient pas suivant l’ordre établi par la nature. Beaucoup de questions lui vinrent à l’esprit… Qui ? Comment ? Où ? Pourquoi ? Quand ? Il ne savait pas par quoi commencer. Son esprit – du reste, moins développé que la moyenne – ne parvenait pas à discerner les écarts d’importance entre toutes ces interrogations, il ne réussissait pas à les classer. Pour lui, elles étaient sur le même pied d’égalité.
Mérann ne ressemblait plus à un humain, sa peau était ciselée de profonds sillons le défigurant totalement. Même son cuir chevelu avait été attaqué, plus aucun cheveu ne pousserait dessus, trop de cicatrices l’avait altéré. Mais si l’on se référait à la couleur de ses sourcils, on pouvait présumé qu’il fut blond avant. Sa lèvre inférieure était fendue en plein milieu, dans le prolongement de la fossette qui lui sciait le menton – bizarrement elle semblait naturelle. Seuls ses deux yeux demeuraient intacts. Deux yeux d’un bleu intense, pénétrant.
« J’ai voulu te les montrer avant que tu quittes ce monde. Toutes ces balafres m’ont été infligées par des hommes forts, capables de me toucher… (Il marqua volontairement un temps d’arrêt afin que Tarall assimile le mot fort.) Cependant, la force ne suffit, la chance et le talent m’ont bien des fois sauvé la vie. Mais toi, tu n’as ni l’un ni l’autre, alors, sors ton arme. Je ne veux pas tuer un homme désarmé. » Disant ces mots, il regardait fixement Tarall, dans les yeux. Sa voix s’était adoucie, son attitude devint paternel l’espace d’un instant. Mais qu’est-ce qui se passe ? J’agis comme s’il avait de l’importance pour moi. Je lui parle comme s’il était mon fils… Soit, il finira comme lui : mort au combat et dévoré par les corbeaux et les vautours…
« Alors tu vas me tuer… Très bien, mais ça sera plus dur que tu ne le penses. » Ces paroles n’atteignirent même pas les oreilles de Mérann. Elles se perdirent dans l’obscurité intense du désert.
Le fourreau de Tarall était situé dans son dos, alors que celui de Mérann l’était sur sa hanche droite. Tarall plaça ses deux mains sur la poignée, Mérann, juste sa main droite, se déboîtant presque le poignet, la paume vers l’extérieur.
« La chance ne te sourira pas cette fois… » Tarall semblait avoir touché Mérann.
« Je n’ai pas besoin d’elle devant les faibles. » Mais ce n’était que l’impatience du combat qui transparaissait dans sa voix. Il semblait vouloir en finir vite. Il semblait aussi vouloir prendre du plaisir en le tuant. Il semblait, enfin, vouloir se délecter du sang qui s’écoulerait des blessures de sa future victime.
Passant sa langue sur ses deux lèvres décharnées, il semblait inviter Tarall à foncer sur lui – ce qu’il fit avec une grande célérité, mais pas avec la précision qu’il avait espéré.

Le vent se mit à souffler plus fort, la longue cape de Mérann se débattant avec lui, les cheveux de Tarall se coiffant à la mode de la noblesse, raie sur le coté, le désert faisant naître des tourbillons de poussière. Puis le vent retomba, signal du combat imminent. L’air lui-même semblait vouloir devenir spectateur…
Le grand homme fit jaillir l’arme de son dos. Elle s’écrasa au sol. Mérann avait uniquement fait glisser son pied droit sur le sol pour esquiver le coup. Il fit ensuite un pas en avant et sortit sa propre lame de son étui. A cet instant, il pensa : Il est vraiment trop mauvais. Sa lenteur me surprend même. Comment le Grand Chef a-t-il pu m’envoyer un déchet comme lui ? Un léger bruit se fit alors entendre dans l’immensité silencieuse du désert. La lame de Mérann se trouvait déjà de l’autre côté du visage de son adversaire. Le sang giclait. Une profonde entaille se dessinait sur la joue droite de Tarall. Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Mérann. Je pense que j’aurais mieux fait de lui trancher la gorge, je m’ennuie déjà. Sans esquisser la moindre grimace de douleur, le grand homme contracta les muscles de ses avant-bras, serra ses mains encore plus fortement sur la poignée et extirpa son épée figée de sa prison de sable. Ses pieds glissèrent sur le sol, changeant l’orientation de son corps. Il se trouvait face à Mérann désormais – il était passé dans son dos après l’avoir touché – et le reste n’allait pas tarder à suivre.
L’épée bougea enfin, emportée par la terrifiante inertie qu’exerçaient ses bras sur elle. Une sublime ellipse qui prenait naissance au sol et qui semblait vouloir mourir contre le crâne de Mérann. Le regard de Tarall renfermait de la haine et de la honte, la honte de s’être fait toucher par un vieillard. Il ne sentait pas la douleur mais le contact de l’acier avait détruit son assurance. Et c’était à présent la colère qui régissait ses mouvements. Mais la colère affaiblit l’esprit, le dégrade, il n’est alors plus capable du meilleur discernement, il s’enferme tout seul dans une spirale vicieuse qui le pousse à sa perte.
Mérann se baissa avec une telle vitesse que sa cape resta en suspension longtemps après que l’épée eut fendu l’air. Il saisit alors la sienne de ses deux mains, fit passer la lame entre les jambes de Tarall, souleva la jambe gauche avec le plat et lui supprima son autre appui d’un coup de pied. Vraiment mauvais. La masse de muscle s’écrasa sur le sable, soulevant un épais nuage de poussière. Quelques gouttes de sang ruisselèrent sur sa joue, laissant une traînée rougeâtre sur la fine pellicule de sable qui s’y était installée. La rage le submergea. Dans un geste de profond désespoir, il balança littéralement son arme sur Mérann qui, bien campé sur ses jambes, fit rencontrer son acier à ce projectile plutôt inhabituel qui alla finir sa course quelques mètres plus loin.
« Tu es plutôt faible pour un de mes hommes » souffla Mérann.
« Je ne suis pas ton homme, non… pas le tien » lui rétorqua l’autre.
« Non… plus le mien. » En disant ces mots, il fendit l’air de sa lame.
Une profonde entaille dans la gorge de Tarall s’était dessinée en l’espace d’un clignement de cils. Tout était fini.
« D’ici un ou deux jours, les corbeaux viendront, attirés par ta répugnante odeur, puis, ce seront les vautours qui finiront de dépecer ton cadavre. »
Mérann siffla entre ses lèvres calleuses, et son cheval vint au galop. Puis sans que celui-ci n’ait à s’arrêter, il grimpa sur sa selle. Il frappa les flancs de l’animal avec ses bottes et celui-ci accéléra encore. Mérann se rencapuchonna, cachant ainsi son visage tailladé, et nettoya la lame du sang qui l’avait souillée.

Au bout de quelques minutes, il rejoignit ses dix-huit « compagnons » restant. Tous étaient silencieux, comme frappés de mutisme. Ils avançaient toujours à la même allure, tel le vent. Un identique paysage s’étendait devant leurs yeux : du sable, encore du sable, à perte de vue. L’homme de tête prit la parole et demanda ce que personne n’osait penser :
« Tarall ne nous rejoint pas ? » Sa voix ne renfermait aucune peur. Une réelle interrogation. Pourtant il connaissait la réponse, comme un enfant qui demande à son père la raison de la fessée qu’il vient de recevoir.
« Non, je l’ai… congédié pour… insubordination »

La ferme se rapprochait à vue d’œil. La tension devenait palpable parmi les cavaliers. Ils connaissaient tous la raison de leur visite chez Méék’an.
« Il a des meickall ce type ? » demanda le plus petit de tous.
« Oui, pourquoi ? » lui répondit un dénommé Iralia. « Il en a même beaucoup trop, si tu veux mon avis. Si tu dois t’attaquer à un, préfère la fuite à l’héroïsme. Une seule de ces bestioles te briserait la nuque bien avant que tu n’aies eu le temps d’adresser une ultime prière au Dieu que tu vénères. »
Le petit devint pâle et une grosse goutte de sueur ruissela sur sa joue droite.
« Euh, en fait, je me suis toujours demandé comment les éleveurs faisaient pour que ces bestioles ne se barrent pas. Elles sont plus balèzes que l’fermier, alors pourquoi elles restent ? »
« Bah, en fait, les meickall vivent au moins dix-neuf ans avec la personne qui les élève, donc ils s’attachent à elle et c’est pour ça qu’ils se barrent pas et puis, ils sont nourris et logés, il manquerait plus qu’ils se cassent » dit Iralia sur un ton professoral et hautain, à l’opposé de la voix du petit.
« Ah… c’est tout, t’as pas trouvé mieux ? » Et toute la déception de la terre s’était condensée en une seule phrase…
« Si t’es pas content avec les réponses que je te donne, arrête de poser des questions à la con et je te donnerai pas des réponses à la con, c’est tout. Maintenant tu la fermes, on arrive », lui répondit l’autre, vexé par l’intérêt que portait le petit homme à ses réponses.


La vingtaine de silhouettes était totalement visible maintenant, aussi bien pour le père que pour le fils. Auparavant, il semblait que ce fut la poussière qui les occultait aux yeux de Méék’an, mais à présent, il les voyait clairement, comme s’ils se tenaient en face de lui, à quelques pas seulement. Ilgann, quant à lui, avait eu bien plus de temps pour les étudier et il n’avait pas vu que des hommes, il avait aussi vu des monstres. Seuls trois d’entre eux paraissaient humains : la jeune personne les dirigeant, une silhouette vieillie par l’âge à sa droite et enfin une fière ombre en fin de cortège au visage halé et aux yeux d’or. Il ne savait pas ce que ces trois personnes voulaient, mais Ilgann n’avait pas décelé d’agressivité dans leur façon de se mouvoir, dans leurs regards, sur leurs visages. Ils semblaient suivre les autres, emportés par leur folie. Seuls ces trois visages étaient rassurants, les autres lui faisaient une impression bizarre à lui donner la nausée. Les autres ressemblaient à des faucheurs, ces annonciateurs de mort, ces bourreaux… Un autre… il venait de les rejoindre, il adressa un mot à la jeune personne et ne dit plus rien. Mais d’ici, à une dizaine de kilomètres de distance, il était impossible pour Ilgann d’entendre ce qu’ils avaient échangé, il ne comprenait déjà pas comment il parvenait à les voir si distinctement… Le dernier arrivé, cet homme, ou peu importe ce qu’il était, lui fit lâcher prise, il sentit ses yeux se fermer puis se rouvrir. Il tenta de se rattraper, le vieil homme, c’était lui la clef, son regard de cristal, ses longs cheveux d’argent, ce sauveur inespéré, cet allié chez les ennemis. Ilgann se calma en s’appuyant sur lui, puis il porta son regard plus loin encore, dépassant ce groupe hétéroclite, vers le plus lointain des déserts qu’il était en mesure de voir.
Un désert rouge, une épée sur le sable, un corps étendu dans la pénombre, éclairé par une pâle Lune de sang. Voilà la courte vision qu’il eut.
Il se détourna vers la grange avant d’hurler ou de vomir, il voulait effacer cette vision de son esprit d’enfant. Il préférait croire que ses yeux lui avaient joué une farce mais il savait ce qu’il avait vu.
Et malgré la disparition de ce cadavre dans son esprit, il sortit difficilement six mots de sa gorge.
« Bon, je vais ranger les épées. »
« Non, laisse-les là. Je les ramènerai plus tard. » Méék’an semblait ailleurs et pourtant plus présent que jamais. Son esprit avait enfin distingué ce qu’il redoutait le plus, il avait tenté d’écarter la possibilité de les revoir mais, même en usant de la plus fantastique volonté du monde, il ne pouvait s’empêcher de les observer, eux et toutes leurs cicatrices – car rares étaient ceux qui n’en possédaient pas.
« D’accord… » répondit Ilgann, la voix toujours tremblante.
Pourquoi cela devait-il être la dernière fois qu’il lui...
« Et va réveiller ta sœur et ta mère et dit lui que « la cicatrice rampante » arrive, elle comprendra. » Son visage avait enfin quitté l’horizon. Il le portait sur son fils adoptif à présent, lui adressant un sourire qui déformait son visage d’ange, un sourire qui faisait de lui un démon. Il le voulut bienfaisant mais ce fut tout le contraire. Il était repoussant. À cet instant, il ne ressemblait plus au Méék’an qu’Ilgann avait l’habitude de côtoyer, il semblait avoir revêtu un masque, non une armure. En y faisant plus attention, le jeune garçon remarqua que ses traits s’étaient durcis, et qu’il avait froncé les sourcils, exactement comme quand il se mettait en colère après lui.
Ilgann déposa les épées aux pieds de Méék’an et fila vers la maison en courant, chaque pas se faisant plus massif que le précédent, soulevant encore et toujours plus de poussière…
Il posa sa botte droite sur le seuil d’entrée et sentit immédiatement que l’atmosphère s’était irrémédiablement alourdie. Il se dirigeait vers le couloir menant aux chambres, comptant chacun de ses pas. Trois pas. Ses yeux se posèrent sur la cheminée, à sa droite, dans le renfoncement du salon, incrustée dans le mur de pierre, elle était allumée. La fraîcheur des nuits dans le désert en était la cause. Il suffit qu’il vous morde une seule seconde et le froid vous arrache à la vie. Et bien que cela puisse sembler bizarre, dans cette partie du monde, la journée est bien moins meurtrière que la nuit, ici, c’est l’hypothermie qui fait la loi, son autorité prévaut sur celle de la déshydratation… Les flammes dansaient dans l’âtre, projetant sur les murs de la pièce de démoniaques ombres. Un long et sinueux frisson lui traversa l’échine. Ilgann détourna le regard de ces êtres d’obscurité et reprit la marche. Sept pas. Une bifurcation du couloir sur la gauche, sa véritable destination se trouvait au fond de ce nouveau gouffre de noirceur qui s’étalait devant lui. Douze pas. Une première porte sur sa droite, il plaça sa main sur la poignée, la tourna et la poussa en se hâtant de retirer ses doigts. La brûlure qu’il venait de ressentir sur la paume de sa main était pire que la griffure d’un puissant acide. C’était une brûlure sèche comme le sable. Il jeta un coup d’œil dans la pièce qui s’avérait être la chambre de sa sœur, mais ne vit rien, personne dans le lit et personne autre part. Il eut un pincement au cœur mais se souvint de ce qu’il faisait quand il était plus jeune. Bien souvent il se réfugiait dans le lit de ses parents. Dix-sept pas. La cruelle chaleur le faisait chanceler à chaque mouvement alors qu’il arrivait enfin à la chambre de sa mère et de Méék’an. Une certaine appréhension passa sur son visage avant d’ouvrir la porte… mais elle s’envola quand il vit sa mère couchée dans le lit conjugal et sa petite sœur dans le creux de ses bras. Il s’approcha et contempla un moment la beauté irréelle de ces deux êtres. Il se pencha sur leur visage et caressa de la main droite celui de sa mère. Sa joue était froide, en totale opposition avec la chaleur de la pièce. Elles étaient telles deux anges avec leurs longues chevelures d’or. Mayal, la mère d’Ilgann, ouvrit lentement les yeux, ils étaient indigos. Des mèches dorées lui cachaient la moitié du visage mais Ilgann vit un sourire s’esquisser.

« Qu’y a-t-il, mon chéri ?» demanda-t-elle de sa voix délicate et cristalline.
« Méék’an m’a dit de te dire que… attends, c’était quoi déjà ? Ah oui… il m’a dit de te dire que la cicatrice rampante arrivait et aussi que tu comprendrais. » Ilgann, en voyant le visage de sa mère se fermer, se demanda si le message qu’il devait faire passer était bien celui-là. Mais il se souvenait de chacune des paroles prononcées par son père et savait qu’aucune erreur ne s’était glissée dans ce qu’il avait répété à sa mère.
Mayal se redressa et s’assit sur son lit. Ses traits à elle aussi s’étaient durcis et son regard d’aube, terni. Elle demanda d’un ton plus dur :
« C’est tout ce qu’il a dit ? Est-ce que tu as vu quelque chose ? »
« Bah, y’avait comme un nuage de poussière à l’est, mais c’était des chevaux. Ils sont vingt (après quelques secondes, il rectifia), non, dix-neuf. Et ils avancent très vite, même s’ils sont encore à une dizaine de kilomètres d’ici. »
Il les a vu et les a compté à… dix kilomètres… C’est bien ton fils. Si seulement tu étais encore là, avec nous, tu serais fier d’Ilgann. Pourquoi a-t-il fallu que tu nous quittes ? Tout était si parfait. Est-ce que tu me donneras un jour la réponse ?
« Très bien. Habille ta sœur et va à la grange avec elle. Là-bas, tu harnaches deux Sythar’h et tu nous attends, d’accord ? » Ce d’accord, Ilgann ne pouvait en aucun cas le discuter et même s’il l’avait voulu, il n’en aurait jamais eu la force. Sa mère savait quel ton employer pour l’obliger à exécuter les tâches les plus ingrates, bien que s’occuper de sa sœur et aller voir de sublimes chevaux ailés était loin d’en être une !
« D’accord. Tu peux m’expliquer ce qu’est cette cicatrice rampante, s’il te plaît ? »
« Tu le sauras en temps utiles. Je vais rejoindre ton père. Je ne veux pas que tu quittes Mirah une seule seconde, compris ? » Encore la même intonation, et aucun moyen de s’y soustraire.
« Oui. »

Mayal se leva. Elle était très grande et très élégante, on aurait dit une elfe. Elle sortit de la chambre. Ilgann fit le tour du lit et réveilla sa sœur, mais de façon plus énergique que pour sa mère.
« Allez, Mirah, tu te réveilles, t’as assez dormi, petite marmotte ! » lui dit-il sur un ton de défit.
« Mais, j’ai encore envie de faire dodo » répondit Mirah avec une voix gazouillante –elle n’était âgée que de trois énha.
« Debout, sinon, t’auras pas le droit à… du gâteau… » C’était un mensonge, bien sûr. Comment voulez-vous faire lever une fillette de trois ans en pleine nuit si vous n’avez rien à lui offrir en retour ? C’est impossible !
« Du gâteau ! Ouais ! Chouette ! »
Elle s’assit, ses cheveux blonds lui tombant devant les yeux. Elle fit maladroitement un geste de sa main pour les repousser et manqua son œil de quelques millimètres.
« Où il est le gâteau ? »
« T’en auras après, sois patiente. »

Ilgann la mis debout, l’habilla en pas plus de trente secondes, la pris dans ses bras et déposa sur sa joue gauche un profond baiser. Puis, desserrant son étreinte, il se retourna :
« Allez, tu te mets sur mon dos, on va voir les grands chevaux » dit le jeune garçon, espérant que Mirah aurait oublié qu’il avait mentionné le mot « gâteau », mais il en demandait trop, beaucoup trop.
« Et du gâteau, j’en aurai quand, moi ? »
« Bientôt, je t’ai dit d’être patiente. Tu penses trop avec ton ventre et pas assez avec ta tête ! » Cette fois-ci, il pensait bien qu’elle ne parlerait plus de nourriture pendant au moins une… minute ! Mais ça suffirait amplement s’il s’agissait d’aller dans la grange. Une fois sur le trajet, elle n’ouvrirait plus la bouche, excepté pour se plaindre du confort désastreux auquel elle était sujette. Voyager à dos de grand frère, quel enfer !
« Mmmmm ! C’est pas très gentil ce que tu dis grand frère, je pense pas avec mon ventre. » Son regard à elle aussi s’était altéré, ses deux opales ne brillaient plus du même éclat. « Et qu’est-ce qu’on fait alors, si on mange pas ? »
« Je te l’ai dit, on va à la grange – harnacher des Sythar’h. Toi, dès qu’on parle de manger, tu oublies tout le reste » lui répondit Ilgann en riant.
« Ilgann, arrête, t’es pas drôle. » Ouh la ! Ce n’était pas bon du tout, tout ça. Mirah ne nommait les gens par leur prénom uniquement quand on l’énervait. Et Ilgann l’avait profondément blessée, même s’il n’avait pas conscience qu’une fillette de trois ans se vexait bien plus vite qu’un adulte.
« Oh ! Fais pas ta mauvaise tête, je plaisantais. Allez, grimpe sur mon dos, on y va. »
« D’accord, mais dépêche-toi. J’ai hâte de les revoir, surtout Elann. » Sa voix avait reprit l’intonation du réveil : un léger gazouillis.
« C’est qui lui ? » lui demanda Ilgann semblant quelque peu jaloux de ce « rival » à quatre pattes.
« C’est le plus grand et le plus beau de tous » dit Mirah se mettant sur le dos de son frère et passant ses bras autour de son cou.
« Tu te trompes, c’est moi le plus grand et le plus beau… Aïe…Sers pas si fort » dit-il en se relevant. « Je veux pas que tu m’étrangles. » Mirah éclata de rire, la joue gauche collée contre l’omoplate droite de son frère.
En sortant de la pièce, il vit sa mère, elle s’était habillée. Elle portait une longue robe bleu nuit, assortie à ses yeux :
« Sors par la porte de derrière, tu y seras plus vite » dit-elle à son fils en faisant un cercle de sa main droite, désignant le salon.
« D’accord » se contenta-t-il de lui répondre.
Pourquoi cela devait-il être la dernière fois qu’il lui... Il se dirigea vers la cheminée – elle était dans le salon. Au fond de la pièce, sur sa gauche, il y avait un rideau ocre qui pendait du plafond jusqu’au plancher. C’était d’un mauvais goût répugnant. Comment une femme aussi élégante que sa mère pouvait supporter un si affreux morceau de tissu ? Il s’en approcha pourtant, semblant le contempler. Il plaça ses doigts sur une des extrémités du rideau et tira dessus, sèchement. Une porte en bois apparut. Le passage secret. Un passage secret… UN PASSAGE SECRET ?! Dans une ferme du désert ! Qui aurait pu y croire ou ne serait-ce que l’imaginer ? Ce passage secret avait pour utilité de traverser la ferme le plus vite possible. Il représentait la voie le plus rapide pour la grange. Ils disparurent ainsi, emportés par la démarche conquérante d’Ilgann.
« Il est où cet Elann, dans la grange ? »
« Au deuxième étage avec les grands machins pas beaux. »
« Les meickall ? »
« Ouais, je crois que c’est ça, qu’est-ce qu’ils sont moches ceux-là. »

Ils sortirent enfin du couloir et se dirigèrent vers l’entrée de l’écurie. Ilgann accéléra le pas. L’immense porte de bois était restée ouverte depuis qu’il était venu chercher les épées. Il franchit l’ouverture et fut aspiré par les profondeurs obscures de la grange. Il passait entre les casiers individuels, les bêtes y étaient stationnées. Elles lui donnèrent la chair de poule. Seuls leurs yeux jaunes étaient visibles dans cette noirceur. Des reflets ardents à vous glacer le sang. Il se dirigea vers l’échelle reliant les deux étages en hâtant le pas :
« Tu t’accroches bien, hein ? Ce serait idiot que tu tombes juste avant de voir Elann », dit-il à sa sœur en sentant son étreinte se resserrer encore.
Il escalada en faisant très attention à ne pas glisser. Il comptait les échelons à chaque montée, ils étaient vingt, séparés chacun par vingt centimètres, ce qui faisait tout juste quatre mètres dont quarante centimètres d’épaisseur de plancher afin de soutenir le poids des animaux. Il posa ses deux mains sur le plancher et tira dessus pour se hisser à l’étage. Il déposa sa sœur qui courut directement vers le seul sythar’h de la pièce, Elann. Il était tel un rayon de soleil parmi toutes les bêtes brunes. Ilgann regarda au bout de l’étage et vit la rampe servant à faire descendre et monter les animaux du second étage. Il dit alors à sa sœur :
« Viens, on descend, il faut en harnacher deux, il est tout seul ici. Et puis, on va pas le faire descendre ni en monter un autre, allez, viens. » Il avait essayer d’utiliser la même voix que sa mère, mais c’était hors de propos avec une gamine de trois ans. Elle ne captait pas les subtiles nuances qu’il avait eues tant de mal à reproduire.
« Non, je veux celui-là et puis c’est tout. »
« Ne fais pas l’enfant, Mirah. »
Allez, écoute ton grand frère pour une fois… Et pourquoi cette foutue Voix ne fonctionne pas sur toi ?
« C’est celui-là que je veux » dit-elle en croisant les bras et en portant un regard si noir sur son Ilgann qu’il en eut un frisson.
« D’accord, je le descend… »
« Non, t’en ramènes un autre. »
« Je suppose que j’ai pas le choix… Je reviens tout de suite. Tu restes là. »
Il prit l’échelle en sens inverse, posa le pied au sol en un bruit sourd et harnacha le premier sythar’h qu’il vit. Il sauta sur l’animal, il déploya ses longues ailes, brassa l’air et monta à l’étage supérieur. Les deux animaux resplendissaient dans la pièce quand Ilgann descendit enfin du sythar’h.
« Merde, j’ai oublié l’autre selle » souffla-t-il en se frappant le front avec la paume de sa main droite.
« C’est pas bien de dire des gros mots, grand frère » lui rétorqua Mirah avec le même regard effrayant.
« Je redescends chercher une selle, tu bouges pas. »
« Non, non. »
Ilgann descendit l’échelle encore une fois, les vingt échelons. Une fois en bas, il alla où les harnachements étaient entreposés, près de l’entrée de la grange. Encore obligé de traverser cette rangée d’yeux jaunes. Plus que quelques pas et il y serait. Ça y est. Il en prit un et se retourna vers la trop grande échelle. Il fut braqué par toutes ces opales en même temps, ces kaitos et ces sythar’h, comme s’ils l’accusaient d’avoir désobéi à sa mère en laissant Mirah seule. Un instant plus tard, un cri provenant de l’étage aux meickall déchira le silence…
Quand on voit les dégats que font les pigeons, on est en droit de bénir la nature pour ne pas avoir donné d'ailes aux vaches...
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Messagepar Arkiidoh » 02 mars 2005 21:09

Je suis un peu dégoûté du fait que peu de personne me laisse de commentaires, mais si vous lisez, essayer d'en laisser un qui soit autre chose que "c'est trop long".... lol


Voilà la suite....




03 – L’amour d’un frère


Méék’an voyait le nuage de poussière fondre sur lui. Il avait pris une des épées et l’avait coincée de sorte qu’elle serait invisible pour quiconque lui parlerait de face, entre sa ceinture et son pantalon, descendant le long de sa jambe gauche, étant droitier, la préhension de la garde serait plus aisée pour lui. Il gardait les yeux fixés sur les cavaliers qui semblaient se jeter sur lui comme des lions affamés. Il était parvenu à analyser leurs visages, comme son Ilgann quelques minutes plus tôt. Et bien qu’il n’ait pas vu de monstres, il n’avait vu que peu d’humains. Sur les dix-neuf qui restaient, il les connaissait tous sauf un. Que de visages familiers parmi ces assassins !
Il savait parfaitement qui ils étaient : une troupe d’hassambahr nommée Seyul’ann. Une organisation d’une cinquantaine de membres qui gagnaient leur vie en pillant et en tuant, et à de rares occasions, ils accomplissaient des missions d’intérêt public. En fait, ils faisaient surtout ce que leur ordonnait le plus offrant. Mais chez eux, aucune règle, jamais entendu parlé du « ni femmes, ni enfants ». Ils tuaient, il suffisait que quelqu’un les paye pour le faire.
Le petit homme près de la tête du convoi, Yiarl, était un spécialiste des tortures en tout genre. Sur son visage, on pouvait tout le temps voir un sourire s’esquisser, et c’était un sourire malsain, comme s’il contemplait encore une de ses nombreuses victimes. On aurait dit un masque terrifiant, gardant toujours la même expression, le même dessin de mort. Son instrument préféré était sa paire de ciseaux, bien qu’il adorait utiliser aussi les tenailles, la meule et la petite cuillère, anodine petite cuillère, mais terriblement efficace lorsqu’il s’agit d’ôter des yeux de leurs orbites assignées. Le grand, là-bas, sur son cheval de trait – pour soutenir sa masse –, Kroyag, était l’un des membres de la garde rapprochée du Chef, du Grand Chef. Sa peau de pierre et sa voix rocailleuse reflétaient parfaitement son attitude glaciale et son détachement vis-à-vis des autres. Un vrai chien solitaire – ce n’est pas parce qu’il faisait partie d’une troupe se composant de plus de cinquante hommes qu’il n’était pas seul en définitif. Sa force colossale et ses facultés innées le rendaient rarement inutile aux combats, qu’il survolait la plupart du temps. Il lui suffisait juste de revêtir sa carapace de pierre et il devenait intouchable. Le chauve, au fond, avec son air de benêt et son bandeau sur l’œil droit, Urisad, était un tueur sanguinaire, mais plus encore, il était cannibale… Ce qui rendait les choses particulièrement comiques, c’était que tous savaient cela et que tous avaient peur de dormir près de lui. Mais ce qu’ils ne savaient pas – et il valait mieux pour Urisad qu’ils ne le sachent pas sous peine de se faire refaire le portrait par ces brutes épaisses –, c’est qu’ils n’avaient rien à craindre, il ne se repaissait que de fillettes… Le grand blond mince au milieu avec son arc sur le dos, Ordhat… enfin un homme digne de confiance, ou du moins un Elfe digne de confiance puisque c’était ce qu’il était. Avec lui, aucune mauvaise anecdote, rien ne ternissait son nom… exceptée peut-être cette histoire concernant un haut dignitaire d’Aharlonn qui, à cause de la rançon payée par la cité suite à son enlèvement, l’a ruinée totalement. Ensuite, cet homme, autrefois si importante, serait devenu le gérant d’une taverne au cœur même de cette ville devenue morte. Et depuis ce jour où tout cet argent s’est envolé, tout le monde le hait là-bas. C’était tout ce qu’il y avait à dire sur cet Elfe sans histoires, il ne tirait que très moyennement à l’arc et se battait de façon très brouillonne. C’étaient ses talents de guets qui lui avaient offert les faveurs du Grand Chef. Le petit trapu, là, avec sa crête noire en guise de cheveux et ses cicatrices en guise de barbe, Fraïha, avait été le chef de la garde fédérale des territoires d’Elérayym. Eh oui ! Il n’y avait pas que des êtres sans importance parmi tous ces hassambahr ! Celui-là possédait la carrure d’un général, et s’il avait s’agi d’une armée et non un corps de gardes qu’il avait eu pour ordre de commander, il n’aurait jamais fini aussi bas, chez les Seyul’ann. Il n’aurait pas perdu sept ans de sa vie à servir les idéaux d’un noble auxquels il ne croyait plus. Il s’était résolu à le tuer il y a huit ans et avait été obligé de fuir. Il avait finalement trouvé asile chez les Seyul’ann – quel dommage qu’il n’ait pu trouver mieux pour finir sa vie. Le jeune sur la droite, le blond aux iris de sang et au regard sévère, Sograynn, il valait mieux ne pas l’ennuyer, ce n’était pas sa gueule d’ange qui émoussait le tranchant de sa lame ! Un seul mot qu’il avalait de travers et c’était son épée qui se retrouvait en travers de votre gorge… Ses pairs ne lui adressaient que rarement la parole de peur que cela ne leur arrive, mais ils savaient qu’il était le genre de personne en qui on pouvait avoir confiance, ils savaient qu’il ne les trahirait pas. Ils avaient également remarqué qu’il faisait toujours partie du camp des vainqueurs, avec lui à vos côtés, vous êtes sûrs d’embrasser la victoire. De ces dix-neuf hommes, il était l’épéiste qui avait le plus de talent, avec peut-être celui-ci, à sa droite, Kar’ay, une fière silhouette au visage halé et aux yeux iridescents. Il peut sembler calme à première vue, mais s’il commence à se battre, pour son adversaire, il n’est d’issue que la mort. C’était un fils du désert, le bronze de sa peau ne partirait plus. Il était halé, jusque dans ses gènes. Il avait été élevé dans la banlieue crasseuse d’Aharlonn et il n’avait tiré de ce passage forcé vers sa vie d’adulte que sa maestria une fois une arme entre ses doigts. Et malgré les gangs sévissant dans les ruelles obscures de cette ville attendant sa résurrection, pas une seule cicatrice n’avait altéré son airain. Bon, à gauche maintenant, le grand brun à la coiffure hirsute, Weryanh, collé à Kroyag, et lui jetant un regard noir de ses deux yeux jaune pâle. Ces deux-là se détestaient. Leur aversion était née il y a bien longtemps, du temps où Mérann n’était pas encore entré chez les Seyul’ann. Kroyag avait eu la mauvaise idée de parler à la fiancée de Weryanh et de lui faire des avances en toute connaissance des relations qu’elle entretenait avec son collègue. La vengeance, chez ce jeune homme, étant un plat se mangeant brûlant, il sortit immédiatement l’épée de son fourreau, bien décidé à lui trancher la gorge, mais au moment de frapper, Kar’ay, son meilleur ami, fit dévier la lame qui, au final, ne coûta qu’une oreille à Kroyag. Plus loin, au fond, le géant dépassant d’une tête tous les autres, Syrnoush, on le croirait taillé dans le même bloc que Kroyag, et c’était une impression totalement normale puisqu’ils avaient le même père. Mais Syrnoush était plus fort, plus grand et plus rapide que son jeune frère. Il se battait à l’aide d’une triad, ce gigantesque morceau de ferraille tirant dans les cinq cents kilos. Quand il était plus jeune, il se battait avec deux de ces armes, mais il perdait trop en vitesse et en précision. Et se battre avec deux armes comme celle-ci, une dans chaque main, fatigue bien vite le corps. Il a préféré se rabattre sur l’utilisation traditionnelle, c'est-à-dire, une pour deux bras, ce qui lui convenait bien mieux. Continuons avec la gauche, alors, le gros lard, là, Nemrod, sur sa monture sifflante à cause de l’effort qu’elle était obligée de produire, était certainement, en dépit de sa forte ossature, de son ventre proéminent et de sa haute taille – qui compensait la caricature d’homme qu’il était, il fallait bien le dire –, le meilleur de tout ce groupe dans le maniement des haches. Et ce n’était pas peu dire, car son seul rival, Viranil, un énorme molosse de deux mètres de haut, à la musculature de fauve, ne faisait pas le poids face à cette baleine qu’était Nemrod. Pourtant, il avait remporté le Premier Prix lors d’un tournoi regroupant les meilleurs combattants de tout Elérayym, et parmi eux, il y avait des gardes fédéraux, censés être les plus forts de tout le territoire… il les avait écrasés sans recevoir une seule égratignure. Alors imaginez le dégoût qu’il a ressenti quand un gros tas, venu de nulle part, le ridiculisa devant les autres hassambahr alors qu’il leur contait ses exploits… Une haine était née entre eux deux, mais Viranil n’aurait jamais sa revanche, il était trop faible pour ça. Au centre, entre les plus grands, Sienel, un autre archer, mais bien plus talentueux qu’Ordhat. De longues mèches brunes lui tombaient sur le front, cachant ses deux yeux bleus. Il était petit et vif, comme un lézard et prompt à dégainer ses dagues quand ses flèches ne parvenaient plus à stopper la progression ennemie. Et il le faisait souvent ! Ses tirs, pourtant, étaient largement suffisants, mais il aimait perfectionner ses combinaisons à l’arme blanche. Et cela n’était pas un mal, car si un jour il était obligé de s’en servir pour protéger sa vie, il serait prêt. Le brun élancé, au fond, Vron, se vantait toujours d’être le meilleur lanceur de couteaux de tous les Seyul’ann. Et même avec la plus forte volonté du monde, il serait difficile de lui contester cela puisqu’il était le seul et unique lanceur de couteaux des Seyul’ann. Selon une légende qu’il avait fait naître, une nuit, il aurait permis le sauvetage de trente-neuf enfants enlevés par un clan d’annfayll, ces pitoyables serpents à forme humaine, qui voulait faire d’eux leur repas. N’écoutant que son courage, il aurait tué les neuf créatures en lançant uniquement cinq dagues. Seuls les plus naïfs l’avaient cru, les autres lui avaient ri au nez – ce qui, pourtant, risque de leur porté un lourd préjudice, l’avenir vous le dira. Tiens, encore un grand brun, Ivéroth, avec son énorme épée, était le jeune fils du Grand Chef et était destiné à suivre ses traces, il en avait la carrure, mais il était loin d’en avoir la force. Son seul coup d’éclat avait faillit faire tuer la moitié du groupe. Mérann lui avait donné le commandement à peu près une heure après leur départ. Tout se déroulait pour le mieux jusqu’au moment où, égaré et ne voulant pas l’admettre, il les fit entrer sur le territoire d’un groupe d’annfayll. Heureusement, Ordhat l’averti très tôt du danger, mais ils étaient déjà repérés et se sont faits attaquer. Heureusement, Ivéroth était bien meilleur au combat qu’il ne l’était pour suivre une ligne droite. Il terrassa deux d’entre eux en usant d’une technique inventée par ses soins : esquiver le coup de queue puis passer dans le dos de la créature pour l’empaler. Et tous ont pu admirer que les dires de Vron n’étaient pas erronés, les quatre restants se sont retrouvés morts suite à un seul lancé… Près de la tête, le petit homme au regard de serpent et au visage d’ours, Bréhour, était un ancien noble de Karaynn, ce royaume raciste, il avait perdu ses titres en même temps qu’une ville à la Marche du Vriann, à l’extrême Est du territoire. Ayant été un Seigneur généreux envers son peuple, ils lui évitèrent l’échafaud. Cependant, ils n’acceptèrent pas la défaite et le chassèrent du trône. N’ayant jamais eu à vivre par ses propres moyens, il fuit avec le Chef de sa garde qui lui avait appris les rudiments du combat à la lance. Il devint chasseur de primes puis hassambahr à la solde des Seyul’ann. À sa droite se trouvait justement ce fameux lancier qui l’avait accompagné après sa chute. Il se nommait Yevhi, il avait les cheveux noirs, comme l’ébène, et les yeux d’un brun rougeoyant. Il portait une lance gigantesque en travers de son dos. La lame, au bout, était ornée de pierreries scintillantes à la lueur de la lune. Sur le manche était gravé, sur tout son long, des dragons s’entrecroisant et crachant des flammes aux reflets violacés. En fin de convoi, avec sa cape noire et son voile sur le visage, Mérann, le Chef de cette expédition, était un ancien Général de Karaynn. Il avait été remercié après une défaite et avait pris une retraite bien au calme. Mais après avoir commis un meurtre atroce, il avait dû se réfugier chez les Seyul’ann où ses talents de combattant avaient immédiatement séduit le Grand Chef. Il avait très vite grimpé dans la hiérarchie du groupe et était devenu le deuxième lieutenant du Grand Chef. Il était certainement devenu premier lieutenant depuis. Le vieil homme, à la droite du jeune se trouvant en tête, avec sa longue chevelure couleur de lune, comme sa barbe touffue, et ses iris dorées semblant irradier le lieu, Arkiidoh, était un ancien ami de Méék’an. Il venait d’un lointain continent dans les terres Occidentales nommé Telis’ourya, la Terre sans Dieu, il y avait un très bon poste et Méék’an n’était pas certain qu’il faisait entièrement partie des Seyul’ann. Il semblait plutôt se servir d’eux et de leurs recherches. Cependant, ce qu’il voulait, il ne le savait pas, il ne lui avait jamais livré son secret. Mais, il était venu… un ami… pour le dépouiller… Quelque chose qui m’appartiendrait ? Autre chose que Ça ? Le jeune homme en tête, au visage pâle et (pour la première fois) avenant, lui, Méék’an ne l’avait jamais vu. Un nouveau ? Ils continuent à en engager... Y aurait-il des départs ou des morts au sein de la troupe ?
Parmi eux, seuls quelques-uns lui faisaient peur : Sograynn, Kar’ay, Nemrod, Weryanh, Arkiidoh, Sienel, Yevhi et Urisad. Mérann, il l’avait déjà battu et il le referait encore s’il le devait. La vraie force de cet homme résidait dans son esprit et non dans son arme. C’est à cet instant précis que son regard croisa celui de Kar’ay et le doute l’envahit comme une odeur écoeurante : Serait-je capable de protéger ma famille ?

« Ca y est, on arrive », dit Mérann. « Je ne supporterai aucun faux pas. Ceux qui échoueront dans leur tâche, je les exécuterai. »
Les chevaux s’arrêtèrent dans un fracas assourdissant, faisant opposition au silence qui était tombé sur leurs cavaliers. L’un d’eux s’était éloigné du groupe qui, à présent, faisait face à la ferme, à une quinzaine de pas de Méék’an. Les sabots se turent enfin. Il n’y avait plus un seul mouvement dans le désert, l’air lui-même s’était immobilisé, devenant lourd et brûlant. Certains hassambahr étaient descendus de leurs montures, commençant à s’approcher de Méék’an. Immédiatement, Mérann leur hurla de ne pas bouger.
« Ne faites pas un pas de plus » dit-il. La peur dominait très clairement le timbre de sa voix. Il n’avait pu la dissimuler malgré la vingtaine d’hommes qui se trouvait entre lui et Méék’an. « Ne reconnaissez-vous pas cet homme ? Il a fait partie des Seyul’ann. Cette chevelure d’or, ces deux yeux bruns, cette cicatrice courant sur son visage ? Méék’an, mon prédécesseur. »
Ces mots résonnèrent dans leurs esprits et s’y gravèrent. Et tous les interprétèrent, de façon différente pour les uns comme pour les autres.
« Il a quitté les Seyul’ann et il s’est pas fait tuer ! Impressionnant ! » Ces mots avaient jaillis hors de l’esprit de Fraïha qui semblait en admiration devant l’homme qu’il avait pour ordre de tuer.
« Aucune loi ne retient l’un des nôtres de quitter le groupe s’il en ressent le besoin » lui répondit sèchement Kar’ay.
« Les Seyul’ann ne sont pas tout blancs. Si nous y entrons, c’est pour nous cacher. Tu ne risques rien quand cinquante fauves sont prêts à te défendre… »
« Je n’ai rien à me reprocher, et je sais que je ne suis pas le seul. Moi, si je suis avec vous, c’est pour me faire le plus de blé possible et… »
« Une vie au service de l’argent ! Tu n’as donc aucun réel but. Que veux-tu t’acheter ? Une bonne conscience ? » Bréhour venait de sortir de son apparente torpeur. Son regard était devenu perçant. Yevhi, à ses côtés, guettait le moindre mouvement de Kar’ay. Il serait prêt à protéger son ancien Seigneur si celui-ci se faisait attaquer.
« Je l’ai déjà dit, je n’ai… » Kar’ay fut coupé dans sa réplique par une intervention incisive de Vron.
« Que tu fasses le bien ou le mal, il y a toujours une vision qui te hante. Et tu en as certainement plus que nous. Ce n’est pas ton surnom qui dira le contraire, hein ? Kar’ay, le Dévoreur d’Âmes. »
Le vent ne soufflant plus, Vron se demanda un instant quel avait pu être ce léger bruit. Puis, il posa son regard sur le fourreau de Kar’ay et vit que son arme ne s’y trouvait plus.
« Désires-tu que je me repaisse de la tienne ? » lança Kar’ay, acide, sa lame pointée vers la gorge de Vron. « Je suis sûr que ma Ciréna (et il caressa son épée avec sa main gauche) en serait ravie »
Kar’ay, arrête, songea Weryanh en se mordant la lèvre inférieure. Se les aliéner n’est pas un bon calcul. Nous n’avons pas d’alliés ici. Si un combat éclate, nous n’en sortirons pas vivant... surtout si Sograynn est contre nous.
« Nous avons une mission ici » déclara Sograynn. « Qu’en diriez-vous si je vous proposais de mettre de côté vos a priori l’espace d’une minuscule ciyll ? Je pense que nous pouvons tous nous entendre parfaitement durant cette période. »
« Tu penses trop et tu n’agis pas assez Sograynn. Des gens comme toi n’ont pas leur place chez les Seyul’ann » rugit Ivéroth.
« C’est facile pour toi de dire ça. Tu n’as pas les capacités intellectuelles (il avait particulièrement appuyé ce mot) pour penser. Dois-je te rappeler que tu nous as perdu ? » Le ton du jeune homme s’était acéré. « Ce sont des personnes comme moi qui manquent aux Seyul’ann. Des personnes capables de discernement et de réflexion. Des personnes sachant rester calmes en toute circonstance. Des personnes qui… »
« Des personnes qui savent se battre c’est uniquement de ça qu’on a besoin… » reprit Ivéroth
« Et crois-tu faire partie de cette catégorie de personnes ? » Il semblait que Sograynn n’était pas seulement doué pour se servir d’une épée, il possédait aussi une répartie à toute épreuve.
« Oui, je crois en faire partie. »
« Accepterais-tu que je me mesure à une personne de ton niveau, là, tout de suite ? » Les yeux de Sograynn étaient grands ouverts, comme ceux d’un prédateur. Il n’attendait plus qu’un oui d’Ivéroth pour le tuer, sans aucun remord.
« Arrêtez, vous deux. » Le ton de Mérann était net et impératif. « Ne donnons pas une mauvaise image de notre compagnie à notre hôte. » Il s’était immédiatement radouci. Et tous se turent autour de lui, les brèves rumeurs de défaites qui s’étaient succédées parmi les autres ne circulaient plus, plus de « c’est trop tard, on peut plus s’enfuir » ni de « il faudra bien plus qu’une vingtaine d’hommes pour buter un type comme lui » ou encore de « il va tous nous tuer… ». C’était fini, le désert avait enfin retrouvé son calme, pour un temps.
Mérann était descendu de sa monture et se dirigea vers Méék’an. La peur se liait à la rage sur son visage. Ses yeux brillaient d’une lueur démoniaque que seul son voile parvenait à dissimuler. Chacun de ses pas laissait une profonde empreinte dans le sable. Tous s’écartèrent sur son passage – par respect, sans aucun doute, aucune chance que cela puisse être à cause de sa force qui, il fallait bien le dire, n’avait cessé de décroître depuis un certain moment.

« Sais-tu pourquoi nous nous trouvons ici, devant ta pittoresque ferme ? » demanda Mérann, tentant de maîtriser le tremblement qui secouait sa voix.
« Je crois en avoir une petite idée. Mais eux (il désigna les hassambahr derrière Mérann d’un geste de son bras droit), il ne savent pas quelle est la véritable raison de leur venue ici. Ils pensent que je suis une personne de plus à abattre. » Méék’an dégageait une aura de puissance qui semblait manquer à Mérann, il aurait pu ordonner aux hassambahr en face de lui de tuer Mérann qu’ils l’auraient fait sans se rendre compte qu’ils obéissaient au mauvais homme.
« Tu as raison, ils ne savent pas ce qu’ils font ici. Mais moi, je sais. Alors si tu veux protéger ta famille, tu ferais mieux de me le donner tout de suite. Tu ne sais que trop bien de quoi ils sont capables (son bras embrassa à son tour la troupe assemblée dans son dos). »
« Tu me menaces maintenant ? Tu te sens assez fort pour le faire ? Ou alors penses-tu qu’ils te protégeront ou… te vengeront ? Le veux-tu à ce point ? »
« Moi, je m’en fous de cette babiole, j’ai reçu un ordre, et je l’exécute, c’est tout. » Cette exaspération était feinte. Il était conscient que Méék’an avait frappé au bon endroit pour lui faire très mal. Me venger. Il sous-entend que je vais mourir. Sa peur revint en surface.
« Un ordre ? Le vieux est-il encore en vie ? » dit Méék’an en riant presque.
« Lui… » Il avait cracher ce mot comme on crache sur un violeur d’enfants. « Il vivra bien longtemps encore. Mais il a été remplacé… »
« Remplacé ? Je vois Ivéroth ici (son regard glissa sur les visages austères de ces assassins jusqu’à celui du jeune homme), mais il n’a pas l’air de diriger. Je croyais que ton père t’avait promis ce poste ? »
« Tu crois que ça m’amuse de jouer les bouffons pour une raclure comme Mérann. Si j’avais pris la succession de mon père. Ça ferait longtemps qu’il aurait été viré des Seyul’ann. »
Mérann se retourna en un instant. Une dague quitta sa main gauche, filant vers la gorge d’Ivéroth. À défaut de sang, une gerbe d’étincelles illumina le désert noir. Vron l’avait imité. Son poignard avait rencontré celui lancé par Mérann et l’avait dévié.
« Vous ne devriez pas vous adonner à de telles distractions. Bien que ne faisant plus partie des nôtres, le père de cette jeune – et énervante – personne possède encore des relations parmi les plus puissantes des troupes d’hassambahr actuelles. Il pourrait vous faire tuer si quelque chose arrivait à sa précieuse progéniture. »
« Tu as malheureusement raison. Mais les relations de son père ne m’effrayent pas… »
« Aurais-tu oublié qu’Erediann est un grand ami d’Ourgath ? » Méék’an s’était joint à cette conversation. « Il a tué pour moins que ça. Il est très caractériel. Je l’ai côtoyé et l’ai vu tuer un homme qui avait omis de placer « Mon Seigneur » après son nom… »
Le visage de Mérann se déformait encore, une de ses cicatrices entraînait sa bouche jusque sur le milieu de sa joue. Un tic nerveux qu’il n’avait jamais pu totalement faire disparaître.
« N’en parlons plus. Concentrons-nous sur l’instant présent, pas sur le futur… » sembla conclure Mérann.
« Et pourquoi ne pas parler du passé. Cette dague… Mon père sera mis au courant et tu mourras. » Ivéroth semblait se réfugier derrière le nom d’Ourgath à chaque fois qu’une situation le dépassait… Méék’an s’en souvenait maintenant. L’ancien Grand Chef des Seyul’ann avait été un père trop protecteur et n’avait rompu son fils à l’art du combat que très tard. Ivéroth préférait citer son nom comme bouclier plutôt que d’utiliser son épée.
« Si tu meurs ici, personne n’ira le dire à ton père. Nous pourrons inventer une histoire. On dira que tu t’es perdu et que tu t’es fait dévorer par une quelconque bestiole. » Sograynn n’avait rien laisser paraître de son émotion, rien à part peut-être un bref jet de haine envers Ivéroth. « Si personne ne lui dit la vérité, il n’enverra personne pour te venger et nous seront débarrassés, à la fois, d’un idiot et d’un emmerdeur. En un mot, toi. Je préfère préciser, tu n’as pas dû comprendre. »
« Arrêtez. » La voix d’Arkiidoh résonna dans le calme du désert. Et tous se turent.
« Reprenons là où nous nous étions arrêtés » lança Mérann en se retournant. « Où est-il ? »
« Je peux savoir de quoi tu parles ? », lui répondit Méék’an, feintant l’incompréhension
« Tu le sais très bien. Ce dont tu nous as dépouillés il y a six ans… »
« Et ce n’est que maintenant que vous revenez me le réclamer ? » Une pointe d’ironie domina ses mots.
« Le nouveau Grand Chef semble porté plus d’importance aux objets en eux-mêmes que sur leur valeur marchande. Et quand, dans le dossier des affaires en cours, il est tombé sur le vol que tu as commis, il a fait le lien. Il semblerait que ce « bijou » ait une véritable utilité après tout. » Il reprit son souffle. « Ourgath avait peut-être peur de toi à l’époque, mais tu n’es plus rien aujourd’hui… Mais passons. Où est-il ? »
« Moi ! Plus rien ! Tu te rendras bien vite compte de ton erreur. Je n’ai pas erré sans m’entraîner durant ces quelques années… »
« Réponds-moi ! »
« On me l’a volé ! » dit Méék’an en éclatant de rire.
« Ah ! Vraiment ! Tu as gardé ton sens de l’humour à ce que je vois, très intéressant… mais, je n’y crois pas une seule seconde. Tu as failli te faire tuer. Nous avons été à ta poursuite pendant plus d’une énha, et tu me dis qu’on te l’a volé.»
« Il est là où tu ne le chercheras pas. » Son regard brun s’était soudain assombri en disant ces mots.

Les yeux d’Ilgann s’étaient mués en deux corps vitreux complètement vides. Le cri semblait l’avoir figé en une posture inconfortable. Il avait très nettement reconnu sa sœur malgré le puissant mugissement et le martèlement sourd sur le plancher qui avaient suivis cet éclat de voix. Son cou dessinait un dangereux angle avec l’alignement de ses épaules. La selle sur son épaule droite en était la cause, à moins que ce ne fût la surprise. Il semblait près de tomber à genoux. Les étriers cognant contre ses rotules en étaient la cause, à moins que ce ne fût le désespoir. Ses doigts se crispèrent, mais la seule raison était la colère qui le secouait et qui finit par le sortir de sa torpeur. Il recula d’un pas et commença à retourner vers la malle aux épées. Il balança l’harnachement sur le sol qui s’écrasa dans un fracas métallique. Et courut vers l’énorme boîte en bois à l’entrée de la grange. Il y restait encore deux épées. Ilgann plongea sa main droite à l’intérieur et sortit la première qu’il toucha. Le nom Fraïrr brillait d’un reflet doré sur le fourreau. Fraïrr, puisse ta force protéger l’écuyer au cœur d’acier. Il parvenait à voir ces mots à travers l’étui aux reflets cuivrés, comme s’ils avaient été gravés pour lui, pour cette nuit. Il plaça l’arme sur sa hanche gauche, coincée par sa ceinture. Il retourna ensuite à l’échelle, suffocant. Il escalada une nouvelle fois les vingt échelons mais ne monta pas immédiatement sur le plancher, scrutant la pièce du regard. Malheureusement, elle était plongée dans une noirceur impénétrable. Et après une longue minute, où il scruta cet horizon nocturne, il se hissa à l’étage. Mirah était debout, près d’Elann à quelques mètres d’Ilgann.
« Ça va pas de me faire des frayeurs pareilles », dit-il.
Le silence de sa sœur le stupéfia. Mais elle était secouée par de violents sanglots. Il s’approcha d’elle et la regarda plus attentivement. Ses yeux se posèrent sur une gigantesque tache de sang sur ses vêtements, mais pas le sien, celui d’Elann.

Un écho jaillit de l’ombre, une voix rocailleuse se répercutant sur les murs, le sol et le plafond.
« Un cafard entre en rampant dans la pièce… Il faut donc que je l’écrase. »
Ilgann se redressa, détournant les yeux de sa petite sœur, embrassant la pièce du regard.
« Quoi ? Qui parle ? Où êtes-vous ? » La voix d’Ilgann ne renfermait aucune peur, mais il fut assailli par des pensées provenant de deux directions en même temps. Le géant. Dans l’ombre. Le sang. Sa hache. La morsure de l’acier. Le vide.
« Courageux, pour un simple enfant », dit l’homme, sortant de l’obscurité. Sa haute taille lui conférait une prestance qui n’avait d’égale que la terreur qu’il inspirait à Ilgann. Dans sa main gauche pendait le manche d’une hache mesurant sa taille, le métal était tourné vers le sol, une flaque de sang se formant autour de la pointe. « Lui aussi l’est d’ailleurs. » Il désigna Elann en relevant son arme vers lui, des gouttes d’un liquide rougeâtre et poisseux en dégoulinaient.
Ilgann tourna la tête vers la droite comme s’il suivait un rai de lumière projeté par la pointe de l’arme – comme un faisceau jaillissant d’une torche, vous voyez ? Ses yeux s’arrêtèrent sur une énorme entaille sombre dessinant un arc de cercle sur la gorge du sythar’h. Il eut une nausée qui lui fit machinalement poser la main sur sa bouche.
« C’est toi qui lui as fait ça ? » demanda le jeune garçon.
« Ne me tutoie pas… les familiarités ne te seront d’aucun recours avec moi. » Le ton de l’homme s’était raffermi et une rumeur de mort passa sur son visage : un sourire difforme, des yeux sans vie.

Des pensées provenant de l’extérieur, de l’extérieur de son corps, pénétrèrent et traversèrent Ilgann. Des visions agrémentées de quelques mots ne possédant pour la plupart aucun sens. C’était comme un film projeté dans sa tête, ponctué par les paroles brèves mais importantes d’un narrateur. Cependant, la qualité du son semblait rester en deçà de ses capacités habituelles, comme si quelque chose l’entravait. Seulement un mot sur cinq parvenait à s’immiscer dans la tête d’Ilgann. Dès lors, il ne se concentra plus que sur les images. Fonçons sur lui… Deux éclairs blancs jaillissaient dans la pièce et traversaient un tas de cendre à forme humaine. S’écroule… Deux gigantesques gerbes de flammes fusaient à travers la forme, l’une vers l’immense ouverture de la grange et l’autre, vers Ilgann et sa sœur, bien serrée entre ses bras. Fuis avec ta sœur… De nouveau les éclairs chargeaient, plus furieux que jamais, faisant maints passages sur l’étage, laissant de grandes traînées noires sur le sol. Fuis avec ta sœur… Une nouvelle fois ces mots… Le tas de cendre se désagrégeant toujours un peu plus, à chaque passage de l’aveuglante lumière d’orage. Fuis avec ta sœur…
Ilgann s’éloigna de la vision, ou en fut déconnecté, il ne le savait pas vraiment. Mais une chose était sûre, il ne captait plus rien. Mirah s’était rapprochée de lui, se tenant à sa jambe, reniflant.


« Il en manque un. Quand j’ai scruté l’horizon tout à l’heure, vous étiez dix-neuf », déclara Méék’an d’une voix calme.
Mérann se retourna pour vérifier si ce que disait son interlocuteur était vrai, et ça l’était. Il n’avait pourtant ordonné à personne de s’éloigner du groupe. Il posa son regard sur chacun de ses hommes et tenta de déterminer celui qui manquait…
« C’est Viranil, n’est-ce pas ? » demanda Méék’an à la troupe assemblée.
Mérann acquiesça avec dégoût et rugit :
« Kar’ay, vas le chercher. »
« Et j’en fais quoi ? » lui demanda-t-il.
« S’il le faut, tue-le. » Son ton montrait le désintéressement total qu’il vouait à ses troupes.
« Le tuer ! Mais il fait partie des nôtres ! »
« Faisait partie des nôtres… Maintenant, vas-y. »
Méék’an avait l’intention d’arrêter Kar’ay et de le tuer à sa descente de cheval, mais, en un clignement de cils, il était déjà arrivé près de la rampe devant la grange. Il est bien plus rapide que dans mes souvenirs. Il y a facilement cinquante mètres entre ici et là-bas… Mais plus étrange encore, Méék’an eut l’impression que l’hassambahr s’était déplacé en sachant où chercher Viranil…


Un sythar’h se trouvait derrière l’homme, il pris son élan et fonça sur lui, ses sabots ne faisant aucun bruit sur le sol. Une lueur blanchâtre s’étala devant Viranil comme une ombre. Il amorça un mouvement pour se retourner et voir ce qui ce passait, mais déjà l’animal, nommé Keihll, abattait ses sabots sur son épaule droite. L’homme s’effondra sur le sol, tenant toujours son arme dans la main. Il regardait devant lui, le menton sur le plancher, sonné par le choc. Une seconde forme blanche se dessina lentement sur le sol. Viranil roula sur son épaule gauche, évitant de justesse de se faire écraser la tête par Elann. L’hassambahr lança ses pieds vers sa tête et, s’aidant, acrobatiquement, de son bras droit (qui n’était pas totalement inutilisable), se remit sur pieds. Les deux Sythar’h lui faisaient face, lançant des regards dégoulinants de haine. Viranil laissait pendre sa hache sur le sol, tenant le manche à deux mains. Elann fonça en premier sur lui. Mais c’était le sous-estimé que de faire l’erreur de l’attaquer seul. L’animal reçut sur son flanc gauche un coup d’une violence terrifiante, le métal le mordant sur une quarantaine centimètres. Il fut projeté contre le mur opposé de la grange, et s’effondra quand ses pattes touchèrent le sol. Une de ses ailes s’étaient tordue en touchant les puissantes planches de bois composant les murs de l’étage. Une flaque de sang commençait déjà à se former autour de lui. Keihll avait tourné la tête pour voir où se trouvait Elann… Il sentit alors une piqûre au niveau du cou et rua. Viranil avait logé la lame d’acier dominant sa hache au travers de l’animal. Le geste brusque du Sythar’h agrandit l’ouverture dans son corps. En s’écoulant de la plaie, le sang quittait sa couleur argentée pour virer au rouge, comme oxydé par l’air. Keihll se maintint tant bien que mal sur ses pattes. Il avait un unique but avant de disparaître : protéger son maître, et cela devait passer par la mort de ce grand homme – et sur son honneur, il s’y tiendrait, peu importait le moyen qu’il utiliserait. Il recula sur ses longues jambes ciselées de muscles se contractant nerveusement. Fuis avec ta sœur, hurla le sythar’h, se répercutant en échos dans la tête d’Ilgann comme des ondulations courant sur un étang après un jet de pierre. Mais le jeune garçon ne réagissait pas. Keihll hurla derechef mais ne limita pas cette extension de son esprit, si bien qu’elle atteint certains hassambahr à l’extérieur. Il recula de nouveau et jaillit comme une flèche, n’ayant plus rien à perdre, sentant la vie l’abandonner. Viranil n’eut pas le temps de lui porter de coup. Il reçut l’animal de plein fouet, lui rabattant le manche de sa hache sur sa poitrine, tordant son poignet gauche jusqu’à ce qu’il explose, faisant apparaître sang et os. Viranil poussa un cri guttural, un son entre le rot et le râle. Il contracta son bras droit, faisant abstraction de la douleur et repoussa l’animal qui chancela sous la puissance de l’homme. Son bras gauche était replié sur sa poitrine, dégoulinant comme un poulet égorgé, un long filet rougeâtre le reliant au sol tel un cordon ombilical. Il leva son bras droit, luttant pour que la hache ne retourne pas sur le plancher et s’élançant comme un lion sur Keihll. L’animal esquissa un geste pour l’éviter, mais cela ne suffit pas. Il hurla : À LA GRANGE... Il sentit la brûlure de l’acier sur son flanc et vrilla autour de Viranil, suivant son mouvement, jusqu’à ce qu’il s’arrête, fatigué par cette valse. Viranil retira l’arme de l’animal qui s’effondra, terrassé, aux cotés d’Elann.
Viranil reprit lentement son souffle. C’était moins une. J’ai presque crus que j’allais y passer. Il lâcha la hache (qui fit un bruit sourd en embrassant le sol) et passa la main droite sur sa nuque, se la massant activement. Bon, et les deux gosses, que vais-je en faire ? Les ramener au Chef ? Oui. Et tandis qu’il continuait d’admirer les deux créatures se vider de leur sang – l’argent devenait rouille – il se pencha pour agripper le manche de son arme.
L’étreinte d’Ilgann sur les épaules de sa sœur se desserra peu à peu. Le gouffre entre la vision qu’il avait reçu des deux sythar’h et la réalité qui avait suivie était si vaste que l’incompréhension le rendit absent un long moment. Mirah se débattait entre ses mains. Fuis avec ta sœur… Elle lui échappa en poussant un cri suraigu :
« ELANN, Elann, non ! »
« Ces créatures sont dangereuses, quelle chance d’en avoir réchapper. S’il y en avait eu une de plus, je serais mort à cette heure. » Viranil n’avait même pas entendu l’éclat de voix de Mirah. Il commençait à se relâcher, mais un nouvel éclair blanc sembla jaillir dans son dos. Ses doigts se crispèrent sur la poignée de la hache, faisant fi du mal qui engourdissait tout son coté gauche, et fit tournoyer son arme, comme par réflexe, fauchant quelque chose, quelque chose d’étrangement fragile et léger, quelque chose qui semblait flottait.
Le visage de Viranil se crispa en réalisant ce qui venait de se passer. Il ne voulait pas y croire. Mais quand il vit le corps de Mirah traverser la pièce, volant comme un ange, sereine, malgré la profonde entaille dans sa poitrine, il ne put faire autrement. Dans sa tête un non, pas ça de désespoir retentit, comme le tonnerre. Et dans ses oreilles, un « MIRAH, MIRAAAAAAAAAAH » cria, comme si une comète lui avait traversé les tympans. Ses yeux se perdirent dans le vide. Dans sa tête, un insondable gouffre de regret et de désespoir venait de se creuser. Il n’osait poser son regard sur Ilgann, mais ne put s’en empêcher, le voyant passer devant lui, hurlant en accourant vers sa sœur. Si jeune. Il en était sûr maintenant, il venait de la tuer. Elle n’avait pas survécu au contact de son corps sur le sol. Le bruit de sa nuque se craquant résonnait encore dans sa tête. Comment en était-il arrivé là, à tuer une gamine de trois ans ? Il ne le savait pas. Pourquoi avait-il fallut qu’il quitte le groupe ? Urisad lui avait dit d’aller faire une reconnaissance dans la grange. Pourquoi n’y était-il pas allé lui-même ? Viranil se promis de le tuer quand il retournerait vers la troupe. Mais il y avait un témoin gênant ici. Il ne pouvait laisser personne en vie, maintenant qu’il avait empêché Mirah de continuer de vivre comme une petite fille normale, il se sentait obligé de lui envoyer son frère.
Ses yeux revinrent sur la scène et fixèrent Ilgann avec une insistance démoniaque. Il était penché sur Mirah, la serrant contre lui.
« Pourquoi as-tu fais ça ? Elle… Mirah n’était qu’une enfant ! » La voix d’Ilgann tremblait imperceptiblement. On aurait dit qu’il contractait tous les muscles de son corps afin d’éviter de fondre en larmes. « Comment peut-on faire ça ? Qui peut permettre ça ?» Dans sa tête, il maudit tous les Dieux dont il connaissait les noms.
Comment un être pouvant balayer les montagnes d’un revers de la main ne pouvait pas empêcher ma sœur de mourir. Les Dieux sont trop lâches et trop faibles, tout est de leur faute.
Mais non, tout est de ta faute, résonna une petite voix dans sa tête.
Hein ?
Quand nous t’avons hurlé de partir avec elle, qu’as-tu fais ? Rien. Tu es resté sans bouger. Tu es le seul fautif, c’est toi qui es faible. Tu n’as plus qu’une seule chose à faire.
Quoi ?
Meurs et va la rejoindre, ta mère n’accepterait pas que tu la laisses seule, dans un endroit aussi froid que celui où elle est.
Arrête, laisse-le. C’est nous. Nous lui avons projeté le futur et nous avons échoué. Nous lui avons donné l’espoir, mais nous ne l’avons pas mené jusqu’à la lumière. Il est comme toi et moi. Elann, tu l’aimais cette petite, et c’est cela qui t’a tué. Que tu le veuilles ou non, il est comme nous, comme toute nôtre espèce, comme nos frères. Il refuse la Mort, et la Mort ne veut pas de lui, comme elle n’a pas voulu de nous pendant ces huit derniers siècles où nous errâmes sur cette terre.
Tu crois qu’il sera assez fort ?
Oui, il l’est, et même s’il commettait une faute, quelqu’un viendrait. Je refuse de croire que j’ai hurlé en vain.
Ne sois pas triste Ilgann, le rassura Elann, bientôt, lorsque le Souffle nous aura abandonné, nous la rejoindrons et rien ne sera plus beau que le souvenir que tu auras d’elle, de son si beau visage, de ses yeux…
Je ne peux pas, elle me manque déjà. Je... je… pourquoi je l’ai lâchée ?
Tu l’as lâchée pour que tu vives et que tu la venges.

« Ecoute gamin, je suis désolé pour elle, vraiment. Mais je t’assure que je n’ai pas fait exprès. Je l’ai prise pour une autre de ces bestioles. Tu sais, ta soeur brille comme elles. »
« N’essaie pas de t’expliquer. Tu n’es qu’un monstre. Tu me l’as volée. Jamais plus je ne reverrai son sourire, jamais plus je n’entendrai le son de sa voix, jamais plus je ne la serrerai dans mes bras… » Les sythar’h continuaient de le réconforter, et leurs mots, leurs images le fit craquer. Des larmes coulaient sur ses joues cette fois, il s’était résolu à les laisser rouler à leur guise, mais ça serait la dernière fois, il en fit la promesse – il ne pourra la tenir.
« Mais si, tu la reverras, car j’ai l’intention de t’envoyer la rejoindre… tout de suite. »
« Non. »
« Quoi, non ? Crois-tu que tu m’empêcheras de tuer si je le désire ? »
« Oui, parfaitement. Ce soir tu connaîtras la peur et la mort. Nous lui devons bien ça (il posa amoureusement son regard sur Mirah). » Son expression changea alors, s’apparentant presque à celle de Sograynn, ses yeux s’agrandissant, un sourire idiot déformant ses traits. « Nous allons te tuer, sale monstre ! » Il semblait habité par les pensées des deux chevaux ailés qui s’étaient réfugiés dans sa tête. Ils allaient le contrôler, il allait devenir leur pantin, le reflet de leur envie meurtrière.
Quand on voit les dégats que font les pigeons, on est en droit de bénir la nature pour ne pas avoir donné d'ailes aux vaches...
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Messagepar Swanny » 03 mars 2005 20:20

J'aurais jamais pensé que tu ferais mourir la soeur...
J'ai versé une larme !!
Enfin tu as un super style et j'ai vraiment l'impression de lire un livre de fantaisie...
J'attendrais la suite !

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Messagepar Arkiidoh » 03 mars 2005 21:00

Merci!!!
Tu m'as fais le plus beau des compliments que je pouvais imaginer :
Tu as verser une larme!
(Sans déc', j'ai vraiment du mal à y croire, c'est vraiment vrai... :shock: )
Et puis merci pour la comparaison avec un livre de fantasy.
Et puis je vais le redire : Merci!!! :D
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Messagepar Swanny » 03 mars 2005 21:07

fantaisie et pas fantasy :p ( c'est pas un ff )
Et je lis enormément les livres de fantaisies alors je sais de quoi je parle...
Et la mort d'un enfant, d'un héro ça me fait toujours ça...
En plus des le débuts Mirah étaient super attachantes pour le peu qu'on a vu d'elle...alors voila.
J'aime pas trop quand les enfants meurent mais j'imagine que c'est sa mort est un elément moteur pour Ilgann...

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Messagepar Squ4ll » 03 mars 2005 23:01

c'est tro bien ton histoire un vrais ecrivin en herbe :lol: jai bien envie de lire la suite :wink:
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Messagepar Fenril » 04 mars 2005 11:06

franchemen: unseul mot: EXCELLENT. tu pourais presque(j'ai bien dit presque) concurrencer J.R.R TOLKIEN (et ce n'est pas peu dire) l'histoire est excellente et on a qu'ne envie: que tu publie vite la suite!!!!!!!!!!
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Messagepar Arkiidoh » 04 mars 2005 20:13

fantaisie et pas fantasy :p ( c'est pas un ff )
Euh, oui, désolé... Disons que je l'ai fait à l'américaine... :D


Merci chocobo95 pour ta comparaison avec J.R.R Tolkien, ça fait très plaisir!!!!


Je vais attendre un peu pour poster la 4ème partie du chapitre (genre 2, 3 jours koi!!!!), puisque la 5ème n'est pas encore terminée, bien que vu ce que j'ai déjà écrit, je pourrais tout aussi bine la scinder en deux, bref...

Je pense que je posterai la suite dimanche....
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Messagepar Arkiidoh » 06 mars 2005 13:43

Voilà la suite...



04 – Expression spirituelle


Quelle avait été cette voix dans sa tête ? Cette voix si douce et, malgré tout, si apeurée. Il en avait entendues beaucoup par le passé, mais jamais une voix ne l’avait tant glacé. Elle était si belle, et si fragile, prête à se briser à chaque instant. Il ne savait pourquoi, mais elle l’avait touché là où aucune autre n’avait jamais pu l’effleurer. Elle s’était insinuée en lui comme une larme sur la joue. Elle s’était frayée un chemin au travers de toutes les couches de protection superposées à son esprit. Et dans le noir le plus profond, elle avait trouvé la seule lumière qui persistait encore. Près de là, elle avait posé son doigt sur un bouton et tout s’était illuminé. Le jour avait chassé la nuit, cet océan de noirceur était en un instant devenu pureté.
À LA GRANGE… Malgré le cri assourdissant dans sa tête, le timbre de voix lui était apparu parfait, ni trop grave, ni trop aigu. Il ne comprit pas tout de suite et sa réflexion fut interrompue par la lointaine voix de son Chef qui résonnait à ses oreilles.
« Kar’ay, vas le chercher. »
Il lui fallu un moment pour comprendre et ce, en dépit de sa réponse immédiate. On l’avait appelé. Mais quelque chose n’allait pas. C’était comme si une entrave l’empêchait d’entendre normalement. Un voile était tombé sur lui, il sentait la douleur, mais aucune peur. Du sang se répandait en lui, derrière ses yeux, comme une hache le traversait. Il écarta cette image de ses pensées pour un instant et revint vers Mérann, posant la question sans même réfléchir.
« Et j’en fais quoi ? »
Quelle interrogation absurde. Bien sûr qu’il savait ce qu’il fallait faire : Viranil avait désobéi au Chef. Kar’ay repensa à Tarall. Il n’avait fait que lui répondre, et pourtant il était mort. Quel sort fallait-il réserver à Viranil ? Réponse facile. Le même que pour Tarall. Leurs fautes n’étaient pas identiques, mais analogues, et cela suffisait pour qu’il meure. Et puis, il y avait cette présence dans sa tête, qui lui dictait le chemin à suivre. Amener la mort, encore et toujours.
« S’il le faut, tue-le. »
Pourquoi a-t-il dit s’il le faut ? Ça n’avait pas de sens. Il aurait du dire tue-le – comme la voix qui résonnait entre ses oreilles –, simplement. Peut-être Mérann l’aimait-il bien après tout ce Viranil. Il lui laissait une chance… Mais il lui laissait aussi Kar’ay comme unique juge de ses actes, ce qui voulait dire que de toute façon, le fautif allait mourir. La vision d’humanité du Chef disparut à l’instant où l’image du sol se courbant s’esquissa devant ses yeux et le craquement sourd de la fracture emplit le vide de ses oreilles.
« Le tuer ! Mais il fait partie des nôtres ! »
Quelle idiotie ! Kar’ay ne croyait même pas au concept de famille, alors en ce qui concerne un groupe, constitué d’assassins, qui plus est… Il voulait surtout donner un début d’excuse pour ne pas avoir à le tuer. Il n’aimait pas ôter la vie, ou du moins lorsque c’était prémédité. Lorsqu’on le lui ordonnait, il le faisait, mais dans l’expectative de la défaite, se battant moins bien, avec un style tout en retenue. Mais lorsqu’il se faisait attaquer, il devenait impitoyable. Et la voix dans sa tête l’avait compris. Il fallait faire enrager l’autre pour qu’il attaque n’importe qui, sans raison, même Kar’ay, même Ilgann. Ou alors, il fallait faire comprendre à ce foutu pacifiste que le meurtre n’était pas une option, mais un besoin, comme une drogue. Il devrait lui faire boire l’odeur du sang et dévorer la peur. Il devrait le rendre ivre de son envie de tuer, et alors, Kar’ay obéirait.
« Faisait partie des nôtres… Maintenant, vas-y. »
Pourquoi avait-il fallut qu’il le lui demande ? Un autre aurait aussi bien fait l’affaire. La voix dans sa tête ne le laissa pas y penser outre mesure. Il fallait le persuader que lui seul faisait l’affaire, que lui seul pouvait avoir une réelle incidence sur la suite des événements. Puis la présence laissa subrepticement échapper une image affreuse. Kar’ay l’écarta un instant, mais elle fut comme projetée devant ses yeux, cette jeune enfant aux cheveux dorés, cet ange. À coté, Viranil s’élevait, tel un phare dans la tempête, submergé de vagues de sang, ses yeux projetant une lueur violacée, comme si son regard s’était tuméfié.
Où faut-il aller ? demanda Kar’ay.
À LA GRANGE… hurla la voix, réjouie. Elle avait réussi.
Kar’ay posa son regard vers le grand bâtiment en bois, sur sa gauche. Il descendit de son cheval et s’y mut en l’espace d’un battement saccadé de son cœur. Maintenant, il se trouvait en face de cette rampe formant, en pente douce, un lien entre le désert et le ciel.


« Elle aimait cet animal, je l’ai envoyée le retrouver » clama lentement Viranil, choisissant le moindre de ses mots avec plus de calme que ne le permettait la situation.
« Nous allons te tuer, sale monstre. » La voix d’Ilgann résonnait. Elle résonnait et était liée à deux autres voix emplissant le moindre espace de la pièce, cette si grande pièce. « Plus jamais, tu ne reverras la lueur du jour levant, plus jamais tu ne sentiras la fraîcheur du matin sur tes joues, car tu nous as pris, tu nous as volé. Et ceux qui nous prennent ne survivent pas. » Il devenait effrayant, son cou se tordait, entraînant sa tête sur son épaule droite. Son regard se posait sur un nœud, sur une des planches du mur, sur ces douces circonvolutions irréelles. C’était comme un grand œil qui l’aspirait en dehors de son corps. Il s’y perdait peu à peu – et ce n’était pas plus mal. Il ne contrôlait plus rien, ne voyait plus rien, ne sentait plus rien. Il était coincé à l’intérieur de son propre corps, pressé contre sa peau, poussé par les deux êtres de lumière qui l’avaient envahi, et tiré par le grand œil du mur.
« Moi, un monstre ? Non ! »
Viranil atteignit Ilgann en deux pas, ou du moins, abattit sa hache à l’endroit où il devait être. Mais il avait disparu. Utiliser l’ombre… L’acier siffla dans l’air, mais cette fois, rien ne fut fauché par son passage. Le bruit d’une lame giclant du fourreau retentit dans la pièce. Deux pas, puis, le bruit du vent. Viranil s’écarta du danger qu’il avait perçu dans le chant strident de l’air. Mais, il perçu malgré tout le contact glacial de la mort métallique traverser son épaule gauche. Puis, une seconde plus tard, plus rien.
« Je vais te briser, espèce de petit branleur. Je vais te briser » hurla Viranil ses pieds tournoyant sur le plancher.
« Où sommes-nous ? Et qui va être brisé ? Oh oui ! Nous sommes ici, sur le Chemin menant à ta Mort ! Et tu te briseras. Oh oui ! tu ne resteras pas debout ! Voici notre promesse. » La voix s’était tue. Elle venait de partout et de nulle part à la fois. Elle était omniprésente et absente en même temps.
« Tu aurais mieux fait de me couper le bras ! Il risque de me gêner ! Une arme dont la lame est émoussée ne sert plus à rien. »
Le faire parler pour le trouver, c’est ça la clef, songea Viranil. Si je ne peux le voir, la seule solution reste de le localiser par le son.
« Ah bon ! tu ne veux plus de ton misérable bras ! Tu sais que nous pouvons accéder à ta requête… Et, par pitié, ne considère pas ce bout de viande inerte comme une arme, il ne l’a jamais été… Et une dernière chose, nous lisons ton esprit, nous savons ce que tu désires : nous retrouver grâce aux sons. Mais tu n’arriveras à aucun résultat, car nous sommes partout, jusque dans ta tête. Nous y résonnons, comme dans un puit sans fond. »
De nouveau, le bruit du vent. Le visage de Viranil s’illumina. Il avait enfin trouvé son origine. Ilgann se trouvait dans son dos, il en était persuadé. Ce son lui avait déchiré les tympans, alors, il refusait de ne pas l’avoir localisé.
« C’est ça qu’il faut entendre, n’est-ce pas ? » dit lentement Viranil en se retournant avec la vitesse de la foudre, persuadé que sa hache trancherait le jeune garçon.
Mais celui-ci se trouvait déjà dans son dos, le visage dans l’ombre, tourné vers le sol.
« L’as-tu entendu ? » demanda le jeune garçon.
« Quoi, le bruit du vent ? »
« Ce n’est pas tout à fait ça. »
« Ah bon, et qu’est-ce alors ? »
« Nous l’appelons le Cri de la Tempête ou le Chant de l’Orage. »
« Bizarre, je n’ai senti qu’une légère brise ! »
« Tu te trompes, cela n’était que Keihll qui nous quittait… volant vers le désert… pour porter assistance au père. »
Ilgann se retourna alors, découvrant de grands yeux iridescents qui semblaient repousser ses cheveux au-delà de son front.
« Voilà ce qu’il faut entendre » hurla-t-il en levant ses bras vers Viranil, Fraïrr de nouveau au fourreau.
Un rugissement bestial retentit, bien plus fort que le tonnerre. Un éclair rougeâtre lui fit écho, jaillissant de l’épaule gauche du grand homme.
« Es-tu plus heureux sans ton bras ? »
« Quoi ? Qu’est-ce que tu ra… »
Lentement, ses genoux se dérobèrent, du sang affluait dans sa gorge et jaillissait sur le sol, vomi.
« Que m’as-tu fait ? » demanda Viranil entre deux spasmes.
« J’ai uniquement exhausser ton souhait en faisant chanter l’Orage. Ton bras ne t’encombrera plus. »
Viranil se remit debout avec peine, s’appuyant sur le manche de sa hache, son bras gauche tremblant. Il remarqua d’où venait ces soubresauts, du sang s’écoulait le long de son flanc gauche. Mon épaule, l’a-t-il vraiment sectionnée ? La pression du sang se fit plus forte, criant à ses oreilles. Puis, la mélodie devint plus fluide, ponctuée par le bruit sourd d’un tambour sur le sol. Mais Viranil savait que ce tambour n’en était pas un, il l’avait vu s’élever dans les cieux sombres de la grange, relié à lui par un fil de sang. Son bras s’était libéré de son épaule et avait embrassé le sol.
« Alors, es-tu plus heureux sans ton bras ? »
« Tu vas payer ! »
« Nous, payer ? Mais pour qui te prends-tu ? Pour qui nous prends-tu ? »
La tête d’Ilgann se releva et se mit à trembler, son regard se posant partout dans la grange, cassant l’harmonie que ses mouvements avaient suivi jusque-là, cherchant sa sœur.
Non ! Attends ! Il va mourir ! Laisse-moi encore ton corps. Si tu me repousses maintenant, tu la rejoindras et…
Peut-être est-ce que je désire ?
Non, ce n’est pas ce que tu désires, et ce n’est pas cela que je désire non plus. Tu ne peux pas t’élever contre ma volonté. Tu ne peux lutter contre lui, seul.
Non, je ne serai pas seul. Je l’ai vu, il arrive.

« Que se passe-t-il, la vue du sang te fait peur ? » lui lança Viranil, sans se préoccuper de son bras.
« Une seule chose nous fait peur : ne pas pouvoir te retenir avant la venue de l’autre. »
« Quel autre ? »
Ilgann tomba à genoux, ses yeux bruns fixés sur le liquide rouge qui avait recouvert sa sœur.
Pourquoi elle ? Pourquoi ne m’a-t-il pas tué à sa place. Mirah, je suis désolé…
Un haut-le-cœur le plaqua au sol. Il lutta contre lui-même pour repousser la mort qui l’envahissait.
Finalement, je ne pourrai pas te protéger jusqu’à la venue de l’autre homme. La vie de mon corps m’abandonne, mais celle qui habite le tien est encore vive. Alors, vis pour ceux que tu aimes et ceux que tu aimeras.
Ilgann s’appuya sur ses coudes et se vida de tout ce qu’il avait mangé depuis deux jours, mais plus que ça, il sentit la vie l’abandonner, sous la forme d’un nuage blanc et léger, la chose qui avait pénétré dans sa tête, comme une clef s’enfonce dans une serrure. Elle avait ouvert une porte en lui, le bruit du vent résonnait dans son esprit aussi fort que les pas de Viranil s’avançant vers lui. Et le vent le souleva, juste à temps, pour éviter la hache abaissée par le grand homme, défonçant le plancher. À nouveau debout, Ilgann dégaina son épée, faisant face à Viranil, mais cette fois-ci, rien ne le guidait, les deux esprits l’avaient abandonné.
« Ne pense pas avoir gagné, je ne suis pas encore mort » lança Viranil. « Mon bras n’est plus une entrave maintenant. Mais je ne nie pas que tu m’aies surpris en me le coupant… Je pense que je vais te rendre la pareille. »
La hache se leva de nouveau. Ilgann ne sciait plus, il restait debout, solide comme un roc. Son visage s’était fermé, ses traits s’étaient durcis.
Il ne voulait pas pleurer, pas maintenant, mais son corps ne lui obéissait que partiellement. Le métal au bout de l’arme brandie par Viranil amena dans la grange la pâle lueur rougeâtre de la Lune, elle s’y refléta sur les joues du jeune garçon, lui révélant ses propres larmes.
C’est la fin, n’est-ce pas ? L’espoir s’est tari comme le ruisseau sous l’empire du Désert… La mort, elle ne me fait pas peur, pas la mienne en tout cas, seule celle des autres me touche. Celle de ma sœur. Pourquoi les gens naissent-ils ? Pour mourir ?
Les gens naissent pour vivre et pour servir la vie.
Et toi, tu ne veux pas mourir ?
Je crains que ce soit mon dernier souffle de vie.
Pourquoi le gaspiller à m’expliquer la mort de ma sœur. C’est inutile, je lui ai déjà trouvé un sens : la vengeance. Si les hommes naissaient pour servir la vie, les meurtres n’existeraient pas. Comment croire en un monde sans logique où la vie est si fragile, où la vie peu se briser en un instant, comme une brindille ?
Il ne faut pas y croire, il faut l’accepter tel qu’il est, et il faut le combattre, refuser la mort. Cet homme est le reflet du monde, il est son arme. Il combat la vie, tout comme Telis’ya. C’est le monde que tu combats à travers lui, c’est la vie que tu protèges en levant ton arme contre lui. C’est ta sœur que tu venges en le renvoyant à la terre.
La hache s’abaissa et Ilgann esquiva encore, se laissant porter par le vent.
Le combattre suffira-t-il à m’apporter la paix ? Sa mort m’apaisera-t-elle ?
Je peux te l’assurer. Tuer un être qui vous vole la chose la plus précieuse à vos yeux est très apaisant, mais cela ne dure qu’un temps, et surtout, cela ne te la ramènera pas. Mais là n’est pas la question. Si tu ne le combats pas, tu mourras.

Viranil attaqua encore, mais différemment. Il ne leva pas sa hache comme avant. Elle quitta le sol, se dirigeant directement vers Ilgann, comme un gigantesque harpon. Il ne put l’éviter totalement cette fois. La lame surplombant l’arc d’acier lui traversa l’épaule droite, lui faisant lâcher son épée.
« Alors, vas-tu aussi perdre ton bras ? Non ! Je pense que je vais uniquement te tuer. Je t’envoie rejoindre ta sœur. »
« Non. »
« Encore un refus ! Vous me faites bien rire vous, les enfants. Vous vous croyez tout permis, vous coupez des bras, comme ça et vous pensez que vous ne serez pas punis. » Il commençait à hurler, devenant hystérique. « Mais pour vous, sales merdeux, il n’y a que la mort au bout du tunnel. Tu es comme les autres, tu vas mourir bien sagement, sinon, je pourrais me mettre en colère, très très très fort. »
« Je ne mourrai pas aujourd’hui car je refuse de perdre contre cette terre que j’ai combattu toute ma courte vie. Je ne perdrai jamais contre un envoyé de la terre… »
« C’est la douleur qui te fait délirer, tu deviens fou… »
« C’est toi qui délire, tu parles de ton bras comme s’il n’était qu’un objet. Tu penses que je serai puni pour te l’avoir coupé. Moi, je pense que je serai récompensé. J’ai vaincu Telis’ya ! »
« Tu n’a vaincu personne ce soir. Tu es déjà mort… »
« Je te le répète, je ne mourrai pas, car je veux vivre… »
« La volonté ! Qui a dit que la volonté, il n’y avait que ça de vrai ? Mais oui, c’est notre bon vieux Roi Ibrahil, celui qui a failli faire arrêter cette foutue guerre. Mais je vais te dire une petite chose : la volonté ne te servira à rien si l’acier venait malencontreusement te traverser la gorge. Tu me comprends ? »
Ilgann demeurait accroché à la lame qui dépassait dans son dos. La douleur devint insupportable. Un cri lui transperça la gorge, emportant du sang avec lui. Puis l’arme se retira enfin. Ilgann s’effondra sur le sol. Viranil se pencha pour poser la hache sur le plancher, puis, toujours baissé, il referma sa main droite sur la gorge du jeune garçon et le souleva, comme s’il ne pesait rien.
« Tu vas enfin sentir la douleur. » Viranil tenait Ilgann, pendu par le cou.
« D’une façon ou d’une autre, tu mourras aujourd’hui » lui souffla Ilgann dans un murmure, des larmes parsemant ses joues.
« Mais tu ne connais que le verbe mourir, ou bien, c’est uniquement pour moi ce récital ? »
« Ce mot n’est que le reflet de ton avenir. »
« J’en ai marre. Je vais t’enlever la possibilité de répondre, j’en peux plus de tes paroles en l’air. »
Il fit battre son bras dans l’air lourd de la grange et balança Ilgann comme une brindille contre la porte d’une stalle, demeure d’un meickall. Le jeune garçon flotta dans cette atmosphère chargée de mort durant un instant qui lui sembla refléter l’éternité. Tout tournait autour de lui, ses cheveux caressaient son visage. Il se sentait léger, comme une plume de sythar’h. Il voyait Viranil s’éloigner de lui, et une porte en bois se rapprocher… Le verrou la maintenant fermée se brisa sous la violence du choc. Puis ce fut la chute, rattrapé par la pesanteur de Telis’ya. M’a-t-elle finalement vaincu ? Ilgann tomba de tout son poids sur le sol, écrasant son épaule droite déjà sévèrement blessée. Il n’avait même plus la force de crier sa douleur. Il ne parvenait plus à lever la tête. Seule la vision des pas de l’homme, celui qu’il avait déjà désigné comme son bourreau, se rapprocher lui apparaissait clairement. Il vit l’ombre de l’arme, la sentit se lever.
« T’inquiètes pas, ce sera sans douleur… (Il marqua intentionnellement un temps d’arrêt.) Tiens, tu ne réponds pas cette fois… J’aime vraiment le silence tu sais. Quand je t’aurai tué, je n’entendrai plus ni tes mots, ni tes larmes. »


Son pied droit se posa sur la rampe à l’instant précis où la présence dans sa tête s’éloigna.
Mais, que fais-je ici ?
Puis, sans qu’il ne put trouver une réponse à cette question, le tonnerre s’insinua à ses oreilles.
Ce son... je le connais. Le Vent des Ailés.
Il escalada la rampe en quelques secondes, mais déjà, la grange avait regagné son calme. Plus rien ne bougeait. Deux Sythar’h se trouvaient sur sa droite, baignant dans une gigantesque mare de sang. Plus loin, se trouvait une fillette, elle portait une petite robe turquoise fendue au niveau de la poitrine, et maculée de rouge. Son cou ne retenait plus sa tête qui reposait à présent sur sa clavicule. Une gigantesque entaille courait sur son flanc, la séparant presque de ses jambes.
Qui a bien pu faire ça ?
La colère commençait à faire son œuvre dans l’esprit de Kar’ay.
Si je suis un juge. Alors, ma sentence est déjà choisie. Viranil va crever.
Il fallait les venger. Tuer celui qui avait fait ça.
Il continua d’avancer dans la grange, remarquant chaque détail dans l’ombre.
Du sang et de la gerbe ! Qu’y aura-t-il d’autre…
« Un… bras… Alors c’est ça que le vent a tranché. Viranil sera très irritable… Voilà qui va pimenter les choses. »
Viranil, justement, se trouvait exactement en face de lui, la hache levée, du sang s’écoulant de son épaule élaguée. Kar’ay distingua une silhouette allongée sur le sol, à ses pieds, sans défense.
À l’instant où il abaissa son arme, Kar’ay saisi la poignée de sa main droite, retenant le bourreau.
« Qu’est-ce que tu veux, jeune con ? » demanda Viranil sans prendre la peine de se retourner.
« Oserais-tu répéter ce que tu viens de dire ? » rétorqua calmement Kar’ay afin que l’autre puisse assimiler sa voix et la reconnaître.
« Kar’ay… Que… que fais-tu ici ? Je pensais que c’était quelqu’un d’autre. » Le ton de Viranil s’était soudain chargé de terreur.
« Je suis venu te punir pour avoir désobéi à Mérann. »
Viranil fit lentement volte-face, son arme toujours emprisonnée entre les doigts de Kar’ay.
« Et aurais-je la possibilité de me défendre lors de mon procès ? »
« Mais bien sûr, comme dans tout procès » dit Kar’ay tout en relâchant la hache de Viranil. « Les charges qui pèsent contre toi sont très lourdes. Insubordination, homicides sur humain et animaux sans autorisation et tentative d’homicide. Que plaides-tu ? »
« Coupable, et tu peux déjà y ajouter deux autres homicides et retirer la tentative. »
Finissant sa phrase, Viranil abattit sa hache sur Kar’ay. Le pied de celui-ci glissa sur le plancher et évita la lame. Puis, en un seul mouvement, il dégaina son épée et sauta sur le manche de l’arme tenue par Viranil, ses deux pieds dansant sur elle. Un saut au-dessus du grand homme, un demi-tour. Et, saisissant son arme de ses deux mains, Kar’ay la planta dans l’hassambahr, la faisant longer sa colonne vertébrale.
« Tu es vraiment un monstre ! » balbutia Viranil, rendant un dernier souffle ensanglanté.
« Moi, un monstre ? Non ! » Le visage du jeune homme avait regagné sa sérénité, et il se sentait apaisé. Un poids s’était déchargé en lui. Il avait accompli sa mission.
Kar’ay retira Ciréna, son épée, du dos de Viranil et revint vers la victime qu’il venait de sauver, lui prenant le poux carotidien.
Bien, il est encore vivant.
En un désarticulé battement de cœur d’Ilgann, il se retrouva dehors.


Mayal se trouvait dans leur petite cuisine, en face du salon où le feu se consumait paisiblement dans l’âtre. Elle finissait les préparatifs du départ : un tas de provisions qu’elle avait enveloppé dans un tissu bleu ciel. Il y en avait pour cinq anuinn.
Elle se replongea un instant dans son passé, essayant de redéterminer le but de la venue de la « cicatrice rampante » chez elle. Elle revint jusqu’à sa rencontre avec lui. C’était pendant la guerre, ses troupes s’étaient réfugiées dans le désert après une défaite lors de l’attaque de Kiltia. Il était venu en personne demander quelques vivres pour lui et ses hommes. Son mari, Leg’ay, avait été mobilisé pour protéger cette ville, pourtant, ici, ils n’étaient pas à Laëgus. Cette alliance entre Elérayym et ce royaume n’avait durée que deux énha, mais cela avait suffi pour qu’elle y perde son amour.
Elle avait accepté de leur donner de la viande et leur avait montré l’emplacement du puit afin qu’ils se servent en eau. Il lui raconta qui il était, un Général des puissantes armées de Karaynn, et comment il l’était devenu.
À cette époque, il ne le savait pas encore, mais son histoire finissait mal.
Il avait occupé ce poste durant dix-neuf énha, mais on l’avait remplacé cinq énha auparavant. Son Seigneur fut dégoûté par sa défaite au Champ d’Ogrennor – imaginez son désappointement, se faire décapiter parce que son armée a eu le malheur d’essuyer une seule défaite, voilà une chose qui peut, en effet, mettre de méchante humeur. Son successeur fut choisi – par le successeur du Seigneur – plus jeune et moins avide.
Mérann quitta l’armée à contre cœur, mais soulagé de ne plus risquer sa vie à chaque instant. Il vécu ensuite uniquement pour sa famille.
Cependant, un beau soir d’été, devant le plus magnifique des couchés de soleil, sa femme lui annonça qu’elle le quittait pour un autre homme, un certain Krona. Le destin voulut que ce soit le même homme qui l’avait remplacé au sein de l’armée.
Son orgueil ne put retenir sa haine et il partit à la poursuite des deux amants. Une fois trouvés, il les tua. La plupart des cicatrices sur son visage sont d’ailleurs issues du combat qu’il mena contre Krona.
Dès lors, hors-la-loi et passible de peine de mort, il s’exila et finit par s’engager chez une troupe d’hassambahr nommée Seyul’ann. Il y rencontra Méék’an. Ils se détestaient déjà. La haine entre eux était si forte que Méék’an préféra quitter le groupe, mais il prit une agréable compensation en dérobant un des trésors « découverts » par les hassambahr.
Même Mayal ne savait pas ce que c’était, Méék’an n’avait jamais voulu le lui dire – pour la préserver des dangers.
L’aversion entre les deux hommes était si grande que Méék’an n’avait que rarement pris la peine de nommer Mérann par son vrai nom. Au lieu de ça, il le traitait de « rampant ». À chaque fois qu’il le voyait, il le forçait à se mettre à genou devant lui. Lorsqu’il ne le faisait pas de gré, Méék’an lui dessinait de nouvelles cicatrices, si bien que son nom définitif est devenu « la cicatrice rampante ». C’était aussi le mot de passe dont ils avaient convenu lui et Mayal pour le jour où il viendrait, lui et ses hommes pour rechercher ce qu’il avait volé.
Mayal avait redouté ce moment et avait gardé l’espoir que jamais il n’arriverait, mais, maintenant, soumise à la vérité, elle ne pouvait faire autrement que l’accepter. La nuit de l’anniversaire de son fils, le destin de toute sa famille se jouait.

Elle prit la nourriture entre ses mains et sortit par la porte principale, sans prendre le temps de vérifier si Méék’an était seul ou si les hassambahr qui étaient lancés à leur poursuite étaient avec lui. Elle serra plus fort le tissu entre ses doigts quand elle les vit s’esquisser devant elle. Et malgré la surprise qui la figea un instant sur place, c’était l’excitation qui coulait dans ses veines. En un clignement de cils elle écarta son statut de paisible femme de ferme et laissa exploser en elle la volonté de puissance qui appartenait à son rang de Sorana.
Méék’an sentit sa présence dans son dos quand le visage de sa femme se déforma par un sourire affamé. L’atmosphère de respect mutuel qui était née entre lui et les autre s’était soudain effacée quand elle avait pénétré dans le périmètre. Il sentait ses yeux respirer leur odeur, il la sentait guetter. Dans un bref moment de lucidité, il lui hurla de fuir. Elle hésita, regardant sa main, serrant le poing.
Quelle misère de ne pas avoir d’arme…
Méék’an cria à nouveau. Et cette fois, elle bougea. Son regard perçant s’était posé sur un archer… Il avait déjà encoché une flèche. Elle fonça vers l’angle de la ferme, se dirigeant vers la grange. Méék’an se retourna vers les hassambahr :
« Si vous la touchez, je vous bu… »
« Quelle garce ! » hurla Sienel de dépit. Un instant plus tard, il lâcha la corde qui reliait Mayal à la mort. Le projectile siffla dans l’air.
Le geste qui avait amené une telle réaction chez Sienel avait certainement sauvé la vie de cette Sorana. Elle avait lancé derrière elle le tas de provisions. Le nœud retenant le tissu bleu ciel autour d’elles glissa lentement, et tout finit par tomber, l’occultant totalement à l’archer.
Mais la flèche partie quand même, chargée de haine et non d’espoir, traversant le voile azur qui la séparait de la gorge de Mayal.
Elle sentit une brûlure sur son cou, et elle était sûre d’une chose, il ne s’agissait pas d’une piqûre d’insecte. Elle cligna des paupières et vit un bout de bois sanglant et scintillant à la lueur de la Lune s’éloigner d’elle. Elle posa sa main sur le sillon tracé par la flèche et y rencontra du sang.
Il est doué, cet archer.
Puis, emportée par sa course, elle disparut au pignon, se dirigeant, comme son fils, vers la malle aux épée, seule.



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Quand on voit les dégats que font les pigeons, on est en droit de bénir la nature pour ne pas avoir donné d'ailes aux vaches...
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Swanny
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Messagepar Swanny » 17 mars 2005 8:17

Toujours aussi bien !!
Je me demande comment cette rencontre va se terminer...
J'espère que tu vas mettre la suite hin!?
Parce que ça fait longtemps que tu as pas posté...

Squ4ll il y a des dizaines d'auteurs bien meilleur que J.R.R Tolkien, seulement il est plu connu parce qu'il y a eu les films.


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