
==========CHAPITRE 4 - La base oubliée==========
Explorer le passé, pour préparer l’avenir
Le soleil avait à peine dépassé l’horizon lorsqu’Elan se présenta devant le mur de ronces. Derrière, la grotte où s’était réfugié le petit singe semblait avaler la lumière. Bon, je retrouve le singe et je rentre fissa au village. Sa tête pulsait. Il devait rentrer, mais il ne savait pas pourquoi. Il resserra sa main sur le bâton de lumière, et franchit l’épais mur végétal.
A l’intérieur, chaque son était amplifié et prenait une dimension inquiétante. Là, des gouttes d’eau s’écrasaient sur le sol. Un peu plus loin, des pas rapides résonnaient faiblement. Et aussi quelque chose comme … un bourdonnement. Une abeille qui réaliserait de courts vols, et de manière régulière.
La lumière du jour ne suffisait déjà plus pour se repérer. Il pressa le bouton de son bâton, et un cercle de lumière apparut aussitôt. Non que cela fut beaucoup plus rassurant. Elan continua sa progression, attentif au moindre détail. Curieusement, les murs n’étaient pas simplement des pierres posées les unes sur les autres. Ils étaient lisses. Du moins, autant qu’ils pouvaient l’être après ce qui semblait des siècles d’abandon.
L’attirance emplissait maintenant tout son esprit. Il avait presque envie de courir à bras ouverts vers ce … il ne savait pas quoi. Cependant, il se retrouva assez vite bloqué par une masse solide à laquelle il faillit se heurter. Elle obstruait tout le tunnel. En son centre, une mince coupure la traversait de haut en bas. Elan pensa intuitivement à une porte, bien qu’il n’en eût jamais vu de la sorte. Serrant le bâton de lumière entre ses jambes, il inséra ses deux mains dans la fente, afin de tirer une moitié de porte vers lui. Il ne réussit qu’à se casser un ongle.
Après avoir donné un coup de pied dans l’obstacle, il commença à examiner les environs. C’est seulement lorsqu’il pointa son bâton vers la gauche qu’il sentit quelque chose toucher sa jambe. Elan déglutit avec peine et abaissa tout doucement son cercle de lumière vers le sol.
A ses pieds, une petite boule marron gesticulait. Bon sang, mais c’est …c’est le singe !
« Haha, tu viens enfin te rendre ! Allez, laisse-toi faire, je t’amène en trophée à Salmec ! »
L’animal releva brusquement la tête vers le chasseur. Ses yeux étaient rouges, de la bave coulait de sa bouche et ses poils étaient hérissés. Elan eut un mouvement recul et trébucha sur une pierre incrustée dans le sol. Le bâton cessa d’émettre de la lumière en percutant le sol. Ce fut alors la panique. Elan se releva à genoux, tâtonnant dans le noir pour retrouver son espoir de salut. Il entendit un chuchotement bestial. Le singe bougeait.
Ses mains ne rencontrèrent que des parois. La sueur commençait à perler sur son front. Et tout d’un coup, la lumière fut. Puis disparut. Et réapparut. Ce clignotement se produisait dans son dos. Il se retourna prudemment, ne constatant qu’au bout de quelques instants que le singe se situait en hauteur, sur une sorte de socle encastré dans le mur, à droite de la porte. Le mammifère tenait le bâton de lumière dans ses mains, sous son menton, lui donnant un aspect monstrueux. Il semblait s’en amuser. Ce qui paraissait une éternité pour Elan s’écoula avant que le singe se détourna. L’être humain, toujours à terre, en profita pour se relever et partir dans la direction opposée. C’est alors qu’une voix rocailleuse se fit entendre.
« … Trez … d’ … passe »
Une série de sons plutôt aigus se propagèrent dans l’air. Le singe appuyait sur plusieurs boutons, incrustés dans le socle.
« … Pa … co … ect »
Un grondement sourd, puis les deux moitiés de la porte s’écartèrent l’une de l’autre. Puis le mouvement se fit saccadé, et les morceaux s’immobilisèrent en plein milieu de l’opération.
Elan voulait rentrer chez lui. Il se fit la promesse de ne plus jamais pourchasser les singes. Mais sa tête résonnait au même rythme que les ricanements du singe. Il avança, n’essayant même plus de comprendre ce qui lui arrivait. Cette sensation faisait maintenant partie de son être. Le singe le regarda passer, sans pour autant lui rendre son bâton. Quand Elan eut finalement passé la porte, celle-ci se referma. La peur au ventre, il était de nouveau dans le noir.
Un vrombissement se fit entendre, d’abord aigu, puis grave, et plusieurs tubes au plafond clignotèrent avant finalement de se stabiliser et d’émettre une puissante lumière. Certains de ces tubes étaient cassés et n’émettaient rien du tout.
A y réfléchir, Elan aurait préféré rester dans le noir.
Des dizaines de singes marchaient en files ordonnées de manière assez saccadée. Eux aussi possédaient des yeux rouges. Ils avançaient sans réel but, contournant la pièce, ou bien bougeant de gauche à droite ou de droite à gauche. Sur les murs, de grosses araignées se déplaçaient rapidement en ligne droite, dans n’importe quelle direction, parfois créant un fil qui n’appartiendrait à aucune toile.
Elan se maudit intérieurement de n’avoir apporté aucune arme. Il contempla le reste de la pièce. Celle-ci se caractérisait par une forme circulaire et possédait des murs en meilleur état qu’à l’entrée du tunnel, gris et lisses. Sur le sol de cette zone et des quatre couloirs qui en débouchaient, une large ligne bleue était tracée. Parallèlement, des fils rouges, bleus et verts étaient encastrés dans les murs et semblaient se perdre au loin.
Sur un piédestal transparent, au centre de la pièce, un singe un peu plus gros que les autres exécutait quelques cabrioles. Il écarta ensuite sa petite main et un éclair bleu apparut furtivement entre deux doigts. Consécutivement, un immense écran derrière lui s’alluma pour afficher le même type de neige que la boîte noire dans la remise d’Andera. Le singe sembla fort satisfait et recommença ses galipettes.
En dessous de cet écran, un grand cube de pierre supportait une multitude de boutons. Il en pressa la plupart sans résultat. Puis il tourna délicatement l’un d’entre eux et une voix sortit de nulle part.
Elan recula précipitamment, et percuta le piédestal. Sous les yeux émerveillés du jeune garçon, une image apparut sur l’écran à place de l’éternelle neige. Puis une autre, et encore une autre. C’était une véritable séquence qui se déroulait sous ses yeux. Il ne faisait même plus attention au singe qui avait failli tomber de son support.
Sur l’écran, les images étaient de mauvaise qualité. Des zébrures grises, violettes et vertes coupaient fréquemment la perception de la scène. On voyait un homme en gros plan. Elan crut qu’il s’adressait à lui. Il portait un casque et tout ne semblait que désolation en arrière plan.
« …Frontière de Swamp Folk, nous avons perdu la moitié des nos hommes !!! Envoyez de toute urgence des renforts, je répète….. »
Un trait lumineux et jaune explosa à quelques mètres du soldat, propulsant une grande quantité de terre dans les airs.
« Des renforts !! Ils av … crrrrr … retraite par l’Ouest … crrr … crrr … nous AAAAAAAAAH !!!!!!!!!!!!!!! »
L’homme semblait avoir été tué, bien que cela fût difficile à déterminer. L’image se situait à présent à niveau du sol, commençant à s’enfoncer dans la boue. On entendait encore des explosions et des cris. Soudain, une intense lumière blanche apparut. Elan en eut mal aux yeux.
Lorsque d’autres couleurs furent à nouveau visibles, on distinguait au lointain un énorme champignon rouge orange. Ensuite une vague de feu sembla se rapprocher lentement. En réalité, ce tourbillon de flammes se déplaçait sans rien pour l’arrêter, dévorant tout sur son passage. La lame emplit inéluctablement l’écran.
Elan plongea en arrière pour se protéger, renversant pour de bon le socle transparent. Il ferma les yeux, puis les rouvrit, constatant que rien ne se passait. Se relevant sur les genoux, il remarqua que la scène de destruction avait été à nouveau remplacée par la neige.
Sans prendre en compte le grésillement qui accompagnait cette dernière, la pièce était devenue silencieuse. Trop silencieuse. Les singes avaient arrêté leurs déplacements inutiles.
A la place, ils regardaient tous Elan. Leurs yeux flamboyaient.
Parmi eux, le singe qui trônait autrefois sur le piédestal semblait le plus belliqueux. Elan réalisa qu’il l’avait entraîné dans sa chute.
Il avait apparemment survécu à la vague de feu, mais lorsque les bêtes s’avancèrent vers lui toutes en même temps, il ne faisait nul doute que sa vie était maintenant en danger.