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Interview : La French Touch chez Square Enix


Square Enix

Comme vous le savez, le Japon s’est ouvert récemment au monde et les étrangers ne sont pas prioritaires.. Cela n’a pas découragé Delphine Zombo, une Française de 27 ans qui a décidé de partir à l’aventure au Japon. Ce nom ne vous dit peut-être rien mais elle a énormément apporté à l’histoire de Square Enix car elle était CG Animator et pour être plus précis... Dans la division Visual Works ! Beaucoup de Français travaillent chez Square Enix mais la division des cinématiques en images de synthèse est beaucoup moins accessible.

Nous avons décidé d’aller à sa rencontre pour en savoir plus sur son parcours, son ressenti et ses conseils pour les personnes rêvant de travailler dans le milieu du jeu vidéo.

Par ailleurs, vous pouvez retrouver son nom dans les crédits des jeux Square Enix. La France a un Incroyable Talent !


Tout d’abord, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. On a vu ton parcours par hasard sur Internet et c’était une belle surprise pour nous de voir qu'une jeune Française faisait partie de l’élite de Square Enix chez Visual Works ! Pour notre première question, est-ce que tu pourrais te présenter simplement avec ton parcours et ton travail actuel ?

Je m’appelle Delphine, j'ai 27 ans, et ça fera bientôt 5 ans que je me suis expatriée au Japon. Je suis diplômée de l’école LISAA où j'y ai appris l’animation 2D puis 3D. Après une année pas très productive dû au manque d’expérience d’une jeune diplômée et au manque de confiance des studios français, j'ai voulu m’expatrier au pays du manga et des animés pour perfectionner ma technique et obtenir plus d’opportunités.

Après 6 mois de visa vacances travail, j'ai enfin trouvé un emploi dans un studio d’animation 3D qui sous-traite pour les plus gros studios japonais. Dans ce même studio j'ai eu la chance de pouvoir travailler pour Netflix, OLM, mais surtout Square Enix pour le film Kingsglaive (Final Fantasy XV). C'est comme ça que l’été 2016, un recruteur travaillant pour Square Enix m’a proposé de travailler directement chez eux. J'ai donc pu travailler dans la maison mère d’un des plus gros studios de jeux vidéo au monde.

Kingsglaive Final Fantasy XV

Étant animatrice, devenue spécialiste des animations du visage et des scènes détaillées avec beaucoup d’émotions, j'ai intégré la division des cinématiques Visual Works qui m’a permis de pouvoir toucher à une bonne dizaine de licences légendaires (Final Fantasy VII, XIV, XV, Dragon Quest X, XI, Dissidia, Kingdom Hearts III...) en l’espace de 2 ans et demi.

La vache, ton parcours est impressionnant ! Surtout quand on sait qu'il n’est pas si facile pour une étrangère d’intégrer une entreprise japonaise et surtout l’élite Visual Works. Ce devait être une très grosse surprise avec un peu de stress/appréhension à tes débuts non ?

Effectivement, Square Enix est une entreprise assez compliquée à intégrer. J'ai vu passer beaucoup de CV d’anciens collègues avec beaucoup plus d’expérience et qui n’ont pas été retenus. En fait c’est très aléatoire selon les projets, la demande, l’expérience… Les profils retenus sont très différents.

Lors de mon premier jour à Square Enix, c’est la RH qui s’est étonnée en m’annonçant ma division : « Visual Works ? Ha ouais quand même ! ».

En parlant à mes nouveaux collègues, j'ai vite compris que Visual Works était l’élite de Square Enix et qu'il était très difficile de l’intégrer. Tous mes collègues venaient d’autres divisions avant de pouvoir intégrer Visual Works, d’autres ont carrément démissionné pour repostuler et demander spécifiquement Visual Works.

J'avoue ne pas avoir très bien compris cet engouement pour cette petite cellule qui a, certes, accueilli les plus grands créateurs de jeux vidéo. Lorsque j'ai commencé, c’est vrai que j'ai eu un peu peur, surtout avec ce côté « élite » qu'on m’a vendu les premières semaines, mais ayant travaillé sur Kingsglaive avec les outils de Square Enix, mon training a duré à peine 2 semaines que j'étais déjà en train d’animer sur Dragon Quest XI. Et puis je suis quelqu'un de passionnée, donc moi ce qui m’intéresse c’est de travailler sur un maximum de projets, donc j'ai montré ma motivation, et j'ai demandé des plans et encore des plans.

On a cru comprendre sur ton blog qu'il y a bien plus de chances à l’étranger qu'en France. Est-ce que la France n’est vraiment pas un bon pays pour trouver du travail dans le jeu vidéo ?

Il y a pas mal de boîtes de jeux vidéo en France mais peut-être pas autant qu'aux États-Unis, Canada ou Japon. Le problème de la France c’est à la sortie du diplôme. Il n’y a pas d’emploi. Peu importe le niveau du jeune diplômé, si on ne te connaît pas et que tu n’as pas un minimum d’expérience, on ne te donne pas ta chance. Il faut vraiment qu’aucun des professionnels avec qui le studio travaille ne soit disponible pour qu'on te donne enfin ta chance et donc ta première expérience. C'est ce qui m’est arrivé et ce qui m’a vite motivée à mettre les voiles.

Au Japon, la mentalité est différente. Si tu n’es pas au niveau mais que tu as la motivation, on te donne ta chance. De toute façon, lorsque tu intègres une nouvelle entreprise au Japon, tu es formé les premiers mois pour t’adapter le plus vite possible au studio. Donc moins de risques de se planter. Par contre la cadence de travail est très élevée. Il faut s’accrocher.

Également, nous venons de terminer Final Fantasy XIV Shadowbringers et nous avons vu ton nom dans les crédits. Est-ce que tu peux nous décrire ton travail effectué sur la cinématique en images de synthèse très impressionnante ?

Concernant Final Fantasy XIV Shadowbringers, effectivement j'ai participé à l’animation du long trailer. J'ai animé le beau Hyur (je vous invite à regarder mon site pour voir les plans que j'ai animés). Je vous avoue ne pas m’être autant amusée sur ce projet que sur Stormblood sur lequel j'avais animé Hyur samouraï et d’autres persos assez cool. Mon point de vue est purement professionnel et perfectionniste alors que la vidéo est très belle au final.

Oui, malgré les mois de travail, la sueur versée, il arrive qu'on ne soit pas satisfait du résultat final puisque beaucoup de personnes interviennent par la suite (effets spéciaux, éclairage, montage vidéo, effets sonores...) Parfois, ça change complètement de la direction artistique originale dans le mauvais sens, mais parfois dans le bon sens. Une animation un peu bâclée complètement sublimée après le compositing (le photoshop de la vidéo). Ou à l’inverse, une belle animation complètement invisible à cause d’une flamme placée juste devant mon personnage dans Dissidia. C'est un travail d’équipe, parfois tout roule, et parfois il y a des cafouillages.

Est-ce que tu pourrais nous décrire les moments les plus difficiles chez VW ? Quelles ont été tes plus grandes satisfactions et déceptions ?

Il y a eu pas mal de moments difficiles. Par exemple, les grosses productions aux délais raccourcis comme sur Dissidia Final Fantasy NT. Trop ambitieux pour le temps donné, mais au Japon rien n’est impossible ! Alors on ne compte pas ses heures ni ses week-ends. Mais j'en garde un bon souvenir parce que c’est un vrai travail d’équipe et tout le monde s’entraide.

Dissidia

Pour moi, le plus difficile a été l’adaptation à la politique d’entreprise. Au Japon, le respect de la hiérarchie est prioritaire. Pour beaucoup d’entreprises, le gain de pouvoir et le respect absolu des règles passe avant l’envie de créer ou produire de la qualité. Je ne suis pas contre, mais parfois ça va à l’encontre du processus de création... Ça m’a pris un bon moment pour comprendre et m’adapter à ce fonctionnement, ce qui m’a valu de nombreuses prises de tête et de surprises en tous genres... 

Je vous conseille Aggretsuko sur Netflix pour mieux comprendre l’esprit d’entreprise au Japon.

Ma plus grande satisfaction, c’est d’avoir pu réaliser mon rêve qui était de participer aux légendaires cinématiques de Square Enix. Adolescente, la qualité et le réalisme de ces mini chefs-d’œuvre me donnaient l’envie d’apprendre à dessiner et animer plus en détails. La force de Visual Works, c’est d’avoir plusieurs grands projets dans la même année. Un rêve pour tout jeune artiste qui souhaite se faire un portfolio et une chance de gagner en compétence en un rien de temps. Mon nom est dans une bonne dizaine de jeux Square Enix, c’est une grande fierté.

Est-ce que tu étais fan des licences Square Enix avant de rejoindre VW ?

Oui, fan de leurs films et cinématiques, fan de leurs visuels. Mais j'avoue n’avoir jamais complètement joué à un de leurs jeux... Ce qui m’a valu pas mal de critiques en interne : « tu es illégitime ! » (rires)

La vidéo Character Prototype a été très bien accueillie dans le monde entier. Cela montre l’expertise de VW dans les images de synthèse. Les autres entreprises doivent se battre pour recruter des animateurs comme toi, non ?

Oui et non. En fait, tout dépend des projets en cours dans le monde. Effectivement, après Character Prototype, lorsque j'explique avoir animé 1min 20s à moi seule sans motion capture, les professionnels sont totalement conquis. Mais cela reste pour des projets réalistes. Pour du cartoon, les pros ont du mal à voir mes compétences utiles alors que je me plais très bien dans le cartoon.

Est-ce que tu dirais forcément aux étudiants en France de se lancer à l’étranger et notamment au Japon ? Travailler au Japon pour un(e) Français(e) n’est pas trop difficile (le fait que tu sois une « gaijin » à leurs yeux, l’atmosphère, l’environnement, la barrière de la langue...) ?

Je conseille aux étudiants français de tenter au moins 1 an à l’étranger pour renforcer leur CV. Mais ce n’est pas obligatoire. Concernant le Japon, ça dépend du profil. Travailler au Japon n’est pas chose facile pour toutes les raisons citées dans la question. La cadence de travail est très difficile mais si on y survit, on est capable de travailler n’importe où dans le monde. C'est plus un défi Ninja Warrior qu'une simple envie d’expérience professionnelle.

Tu es restée presque 3 ans chez Square Enix dans la division Visual Works pour ensuite rejoindre Capcom. Est-ce que c’était une envie de voir autre chose et découvrir une autre entreprise ? Est-ce que tu peux nous citer des travaux qui sont désormais publics (et pas encore confidentiels) ?

Je pense avoir fait le tour des licences Square Enix. Je m’étais dit qu'après Final Fantasy VII Remake, je pouvais partir en paix. Ma demo-reel commençait sérieusement à ressembler à une vidéo récapitulative de l’E3 et je ne voulais vraiment pas être coincée dans un même style. Je suis venue au Japon pour apprendre, comprendre le style japonais et gagner en compétence. Lorsque j'ai senti que je n’apprenais plus autant, le changement m’a semblé être la meilleure des solutions.

Final Fantasy VII Remake

J'ai choisi Capcom parce que je trouve leur style plus adulte. Square Enix est beaucoup dans le détail (ce qui me correspond totalement) mais j'avais envie de personnages un peu plus « badass » comme dans Resident Evil ou Devil May Cry. Des personnages plus simples mais plus forts.

Pour le moment je suis en charge de l’animation des cinématiques d’un jeu. C'est un gros projet et me confier cette énorme tâche me confirme que j'ai bien fait de changer pour évoluer au rang de leader dans le domaine où j'excelle le mieux : l’animation réaliste de visages.

Évidemment je ne peux divulguer les projets en cours chez Capcom ou Square Enix.

C'est normal, on ne t’en veut pas (rires). Merci d’avoir répondu à nos questions et on espère que ton aventure chez Capcom te permettra d’atteindre un nouveau sommet !


Liste non exhautive des travaux de Delphine Zombo chez Square Enix Visual Works :

Retrouvez tous ses travaux sur Artstation et son blog.

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